Article réalisé à partir d’une clé Switch fournie par PLAION.
Il y a deux ans paraissait Disgaea 6, un épisode que nous avions trouvé réjouissant pour son côté expérimental et ses parti-pris de démesures dans tous les sens. Malgré ses qualités, le titre s’est révélé clivant, la faute, sans doute, à des potards poussés “un peu” trop loin. Avec Disgaea 7, Nippon Ichi Software semble bien avoir pris en compte les retours des joueurs pour repenser sa formule et ambitionne un retour aux sources à même de reconquérir ses fans. Exit la foire aux abus, on revient à une sobriété plus à même de véhiculer les valeurs de la franchise au long fleuve. Que les amateurs se rassurent, on reste tout de même sur un jeu NIS, donc forcément beaucoup moins sage que la concurrence. Que les non-fans s’inquiètent, ils risquent de devoir composer avec des personnages qui ont fait de l’attaque-combo-furie dans les fesses un mode de vie à part entière. Mais malgré ces considérations bassement matérialistes, Disgaea 7 a-t-il les arguments pour réconcilier les déçus du précédent opus avec la franchise ?
Ils me comprendront, à Hinomoto
Comme tout bon épisode de la franchise, Disgaea 7 campe une histoire aux prémices absurdes. Pirilika est une démone, mais c’est avant tout une weeb, du même genre que ceux qui pullulent sur les réseaux sociaux et idéalisent le Japon dans des proportions absurdes. À l’occasion d’un voyage tant attendu, elle est bien décidée à enfin découvrir en personne la culture traditionnelle (selon elle) du sous-monde de Hinomoto, pastiche à peine masqué du pays du Soleil Levant. C’est donc avec des étoiles plein les yeux que notre touriste débarque dans la capitale d’Edow, bien décidée à baffrer quelques takowyakis, assister à un tournoi de sumow et, qui sait, peut-être même rencontrer le showgun. Hélas, les temps ont bien changé, et sa vision fantasmée n’a plus rien à voir avec la réalité. Comme pour mieux entériner sa désillusion, elle fait la rencontre de Fuji, un samouraï cupide, désabusé, et mortellement allergique à toute forme de compassion et de gentillesse. Mais il en faut bien plus à la jeune démone, puisqu’elle se révèle à la fois incapable de voir le mal en quoi que ce soit et immensément riche. Pour elle, c’est certain, le showgunat ne peut pas être corrompu ni même incroyablement laxiste, et il n’attend qu’elle pour rendre sa gloire passée à Hinomoto, sa culture, son bushido et son honneur. Appâté par le gain (et la perspective de se bastonner régulièrement), Fuji décide de composer avec ses allergies et d’accompagner Pirilika dans sa quête. Mais nos deux protagonistes vont réaliser que ces événements ne sont que la partie émergée de l’iceberg d’une menace bien plus tangible.
Entre tradition et modernité
Comme ses prédécesseurs, Disgaea 7 est un Tactical RPG reposant un système de combats au tour par tour. Le joueur endosse le rôle du stratège, en retrait des escarmouches, et doit déplacer et faire agir ses unités sur des champs de bataille en damiers. La série tire son épingle du jeu à deux niveaux. Le premier, c’est son écriture, avec une galerie de personnages hauts en couleurs et la plupart du temps cons comme des briques. En découle une quantité astronomique de situations débiles et de punchlines incroyables, pour le bonheur des petits et des grands. Disgaea 7 ne déroge pas à la règle et fait mouche, avec un setup efficace, souligné par une localisation française aux petits oignons et ses vannes souvent géniales. Mention spéciale à Pirilika et ses expressions approximatives; un enfer très probable pour les traducteurs, un régal de tous les instants pour le lecteur. L’autre point qui distingue la franchise de sa distinguée concurrence, c’est sa richesse absolue en termes de mécaniques de jeu. Ici, point de simplicité et d’accessibilité, le jeu vomit sans plus de préambules une quantité vertigineuse de systèmes et de sous-systèmes. Heureusement, l’offre est tellement riche qu’il est tout à fait possible d’en ignorer la majeure partie sans réellement galérer, pour quiconque veut simplement se frotter à la campagne principale. Mais ceux qui ont déjà préparé leur fichier Excel et ouvert cinq onglets de wikis syndicaux (on vous voit), le savent bien. Le sel d’un Disgaea, c’est à la fois la possibilité de produire des grossbills avec des stats à plusieurs milliards et le plaisir de générer une véritable usine à gaz de mécaniques imbriquées pour le faire en dix combats.
Vade-mec-um
S’il est possible de profiter de Disgaea 7 pour sa trame narrative, très drôle mais dont l’absurdité peut tout de même déboussoler, il reste néanmoins bon de rappeler que la franchise n’a jamais inclus l’équilibrage dans ses priorités. On se heurte d’ailleurs très rapidement à un violent pic de difficulté, incitant à aller très tôt trifouiller les moyens à disposition pour casser le jeu. Conséquence directe, la campagne devient vite une simple formalité, laissant sur le carreau ceux qui cherchent une progression émaillée de joutes épiques équilibrées. Comme toujours, le challenge se situe du côté d’un Endgame plus à même de laisser le jeu déployer ses ailes. Nouvelle itération oblige, on retrouve le packaging Disgaea habituel, mis à la sauce nippone d’Hinomoto. Réincarnations, maison de la triche, référendums, monde des objets, caserne et buvette sont donc toujours de la partie, doublées d’autres infrastructures plus conventionnelles comme le marchand d’armes, le vendeur de maléfices ou encore l’hôpital. On trouve tout de même du grain frais à moudre avec quelques twists. La réincarnation concerne désormais aussi les objets, qui peuvent se réincarner pour se renforcer, voire même devenir tout autre chose. L’hôpital héberge quant à lui un gatcha à objets se nourrissant des dégâts encaissés par la troupe ainsi qu’un laboratoire à dopilules, des analgésiques bien louches capables de booster une statistique temporairement. Il est également possible d’aller faire du tourisme dans les sous-mondes traversés. À la clé, des boutiques, des recrutements, des quêtes et des récompenses. En bref, le hub qui héberge nos troupes entre deux missions est un véritable gouffre à heures.
Le combat peut être une fête
Mais une épée démoniaque +12 n’est jamais aussi belle que quand elle répand fureur est destruction sur le champ de bataille, et Disgaea 7 l’a bien compris. Côté combats, Nippon Ichi semble avoir entendu les reproches des joueurs face au sixième épisode de la franchise, expérimental et jusqu’au boutiste à bien des égards, mais souvent décrié avec véhémence. La formule revient à ses anciens fondamentaux, plus sobres, non sans conserver quelques éléments tout de même. La distinction humanoïdes / monstres signe son grand retour, ainsi que la distribution d’xp à l’ancienne. Gros rétropédalage également sur l’Intelligence Maléficielle, à l’utilisation désormais limitée, et le level cap de nouveau bridé à quatre chiffres. Comme pour le segment gestion, on reprend les mêmes (géoblocs, porter / jeter, …) et on recommence, à quelques nuances près, certaines de taille, littéralement. À commencer par le bien nommé Gigamax, qui a le bon goût de laisser l’un de nos sous-fifres se métamorphoser en colosse capable de coller des tartines du même acabit, et le mauvais de laisser les adversaires en faire de même. Le fameux porter / jeter, en plus d’être toujours la meilleur méthode pour se déplacer rapidement et faire exploser un pingouin (si si) permet désormais de fusionner les unités ennemies, pour un résultat parfois dangereux mais souvent bourré d’XP. Plus anecdotique, mais tout de même réjouissant, un mode luciférien, propre aux unités uniques, booste son utilisateur trois tour ou jusqu’à utilisation d’une attaque spéciale uniquement utilisable dans cet état. Et cerise sur le gâteau, les joueurs restés sur leur faim face à la (relative) pauvreté pugilistique du sixième épisode seront ravis d’apprendre que NIS a doublé la mise avec pas moins de 45 classes à explorer.
Le pieu n’empalait pas la rondelle
Plus riche que jamais, Disgaea 7 signe également le retour à des considérations techniques moins honteuses, et rend une copie propre jour 1, même sur Switch. Certes, tout n’est pas parfait, avec un aliasing forcément plus prononcé que sur un support plus costaud. Mais l’ex-nouveau moteur 3D s’avère déjà nettement mieux maîtrisé et assure, cette fois, un taux de rafraîchissement acceptable et garanti sans maux de crâne. Ouf. Sur Switch, on note tout de même des temps de chargement assez prononcés durant le calcul des actions adverses sur les cartes les plus chargées, mais pas de quoi fouetter un félyne. Pour le reste, on reste dans la droite continuité de ce qu’a toujours proposé la franchise, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts, inhérents à ses fondations. Après tout, tout le monde n’accroche pas à une narration aussi décousue, l’appréciation de l’humour caractéristique de la série étant avant tout une notion personnelle. Tout le monde n’a pas non plus la même sensibilité au plaisir que procure une course à la puissance. Et aussi généreux qu’il soit, il faut bien avouer que le titre manque toujours cruellement de la pédagogie la plus élémentaire, ce qui peut donner aux nouveaux venus une envie brutale de passer leur chemin, alors même qu’ils auraient pu trouver chaussure à leur pied. Pour les autres, en tout cas, cette nouvelle entrée dans la franchise est un très bon cru, à des années lumières des expérimentations démesurées de son aîné, et finalement plus proche des plaisirs de la formule initiale.
Conclusion :
Fidèle à l’héritage de la série, Disgaea 7 est une nouvelle entrée très solide pour la franchise, ainsi qu’une remise à plat d’intentions après un sixième opus aussi atypique que clivant. Finies les stats hypertrophiées et l’absurdité démesurée des systèmes, on revient à des considérations à échelle plus humaine (relativement, hein, on parle toujours d’un Disgaea). Pour autant, pas question de la jouer radin, puisqu’on se trouve, cette fois encore, en présence d’un titre qui déborde de générosité de bout en bout. Et cerise sur le gâteau, la Switch a même droit à une version techniquement confortable. Pour le reste, et hormis quelques nouveautés finalement marginales dans la dynamique globale de la franchise, Disgaea fait du Disgaea. Mais difficile de dire qu’il le fait mal, puisque le titre reprend pour ainsi dire tous ses fondamentaux de la formule, comme si Disgaea 6 n’avait jamais existé autrement qu’à travers le prisme du moteur 3D et d’une Intelligence Maléficielle désormais reléguée aux fonctionnalités secondaires. Ce nouvel épisode principal s’avère d’une solidité à toute épreuve, aussi bien sur le plan de ses mécaniques que sur sa narration et sa localisation. En bref, un excellent cru, que les amateurs prendront plaisir à triturer dans tous les sens. Comme le disait si justement le showgun Oyéyasu : “Disgaea 7, il faut en acheter trois. Un pour jouer, un pour la collec’ et un pour dormir avec”. À consommer sans modération.
Pour aller plus loin – Test de Disgaea 7 (PS5) par Actua
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