Article réalisé à partir d’une clé PS4 fournie par PLAION.
Il était une fois, dans un pays fort lointain, un studio japonais du nom de Nihon Falcom. Spécialisé dans les jeux de rôles, le studio est parvenu à tirer son épingle du jeu au fil des ans et à obtenir une certaine renommée auprès des amateurs, notamment grâce à ses deux franchises phares : la saga Trails et Ys. Nous sommes en 2012. L’heure est à la liesse puisque les développeurs viennent tout juste de finir leur besogne, et un heureux événement pointe le bout de ses pixels. Ce projet, c’est Nayuta no Kiseki, qui se destine à une commercialisation sur PSP, uniquement au Japon. Aucune localisation pour l’occident n’est à l’ordre du jour, au grand dam des amateurs qui ne demandent qu’à pouvoir mettre les mains sur cet épisode. Mais ça, c’était avant, puisque ce titre à part dans la saga Trails s’est enfin décidé à trouver le chemin de l’occident, une décennie plus tard, à l’occasion de sa sortie sur Switch, PS4 et PC sous forme d’un remaster HD amélioré et intitulé The Legend of Nayuta : Boundless Trails. De quoi patienter en attendant Kuro, fraîchement renommé Trails through Daybreak et affublé (enfin !) d’une date de sortie chez nous en 2024. Toutefois, que les fans se détrompent : tout Kiseki qu’il soit, Nayuta n’est pas exactement du genre conformiste et préfère quitter les sentiers battus de la franchise, désormais très balisés. Mais peut-on réellement dire qu’il est sans limites ?
Story of Seasons
Nayuta Herschel, protagoniste de The Legend of Nayuta, est un jeune orphelin de 15 ans à la curiosité insatiable. Il faut bien avouer que son environnement est un terreau fertile à cette boulimie de connaissances, puisqu’il est né sur Remnant Isle, une petite île à la particularité singulière. Régulièrement, ses habitants assistent à des pluies de météorites, constituées de débris de ruines et de fragments d’étoiles. Plus curieux encore, en exposant ces fragments à une lumière spécifique, on peut y contempler d’étranges panoramas issus d’un monde mystérieux. Aucun scientifique n’est parvenu à trouver une explication satisfaisante à ce phénomène, et la population ne s’en inquiète guère, convaincue depuis toujours que la terre est plate et qu’il n’existe rien au-delà de ses limites. Mais pour Nayuta, ça ne fait aucun doute. Il existe quelque chose après cette bordure réputée infranchissable, et le monde est bien différent de ce que les gens croient. Pour le prouver, il décide de rallier le continent accompagné de Cygna Alhazen, son meilleur ami, afin d’étudier l’astronomie dans la prestigieuse académie de Saint Elysée. Mais son destin va basculer plus rapidement que prévu, au cours de ses vacances d’été, puisque le lendemain de son retour au bercail, un édifice gigantesque tombe du ciel et s’écrase à proximité du village. Parvenu au sommet du bâtiment, Nayuta fait la rencontre de Noi, une jeune fée en détresse porteuse d’un artefact inconnu. Sans le savoir, notre astronome en herbe vient de faire le premier pas sur la route du Lost Heaven, ou plutôt Terra. Mais la joie de la découverte est de bien courte durée, puisque cette terre inconnue se révèle exposée à un péril si grand qu’il menace même l’existence de l’autre monde.
Pas très très boundless, tout ça
Estampillé Kiseki, The Legend of Nayuta assume plutôt un statut de spin-off de la saga mère. Au point qu’à part quelques termes récurrents (les miras, les arts, les crafts), on ne lui trouve en fait aucun point commun avec sa généalogie. Dommage pour les fans qui espéraient y trouver de nouvelles théories alambiquées à creuser. Le bon côté, c’est qu’il s’agit d’un Trails dont il est possible de profiter à 100% sans avoir dix autres gros dossiers à engloutir. La rupture avec le reste de la franchise est d’ailleurs si assumée que The Legend of Nayuta semble finalement plus proche d’un Ys, l’autre série best-seller du studio. On troque donc le tour par tour contre de l’action nerveuse qui n’aurait pas fait tâche à Felghana, mais en plus accessible. Les compétences de base de notre héros se résument à un saut (et double saut), une esquive et deux types d’attaques, accessibles en une simple pression du bouton de façade dédié. Le joueur incarne certes Nayuta, qui assure la partie physique du combat, mais il est suivi en permanence de Noi, capable d’invoquer de puissants arts saisonniers à distance. Simple, efficace et aussi immédiat à prendre en main que réjouissant. Dans le même registre, pas question de traverser un monde ouvert taillé d’un seul bloc. Ici, on est sur une structure cloisonnée avec ses continents à parcourir, chacun constitué d’une poignée de stages et de son boss final (tous très cools, d’ailleurs). Un hub central fait office de liant à l’aventure tout en permettant à Nayuta de retourner s’approvisionner sur son île natale et d’accomplir des quêtes pour le compte des villageois. En bref, un agencement pensé pour le jeu nomade, jeu PSP oblige, mais garantissant des parties courtes et rythmées, dotées d’un bon petit goût de reviens-y.
« -La fin de l’abondance ? -Heu, non, c’est à côté. »
Mais derrière ses aspects d’Action RPG sage de prime abord, The Legend of Nayuta cache quelques belles surprises. À commencer par son level design, qui s’avère constellé d’une multitude de petites idées. Le titre met un point d’honneur à présenter un nouveau puzzle, une variation, à chaque niveau traversé ou presque. Cet aspect se retrouve d’ailleurs d’autant plus souligné que Nayuta propose un segment plateforme assez prononcé. Certes, les niveaux ne sont jamais immenses ni très tortueux, mais il aborde son exploration de façon ingénieuse et engageante, au travers d’un système de scoring permettant de tamponner un carnet en remplissant trois objectifs annexes par stage. Six tampons récoltés, et Nayuta gagne un aller-retour chez son maître bretteur, pour repartir avec une nouvelle compétence d’escrime (garde, contre-attaque, attaque plongeante, esquive aérienne, etc). De son côté, Noi ne se tourne pas les pouces, puisque les boss de mi-parcours détiennent de nouveaux sorts. Bien sûr, ces magies se renforcent au fil de leur utilisation. Et comme si Falcom craignait que son spin-off ne se renouvelle pas assez, le studio ajoute une dernière cerise sur le gâteau avec les crafts, des compétences de soutien avancées, une mécanique de combos accordant au joueur des buffs fumés et un système de modification des saisons pour redécouvrir chaque stage sous un tout nouveau jour. Le flot de nouveautés ne faiblit jamais du début à la fin de l’aventure, en allant même jusqu’au New Game+, qui propose encore de nouvelles choses à découvrir et du grain à moudre pour les amoureux de challenge. Au final, The Legend of Nayuta est une sorte de grosse piñata du JRPG, qui finit toujours par cracher une nouvelle friandise quand on tape suffisamment dessus.
Quête 1 : Faire un sandwich. Quête 96 : Tuer Dieu.
Si The Legend of Nayuta est un titre au gameplay classique mais efficace, et qui fait preuve d’une générosité de tous les instants, il lui reste encore à convaincre sur son enrobage. Autant être cash, sur sa partie technique, le titre reste un jeu PSP lissé, clairement pas aux normes de 2023. Il assure tout de même les 60 fps constantes de A à Z. Heureusement, il parvient à faire passer la pilule grâce à sa direction artistique colorée et chatoyante. Les variations de stages rompent efficacement la monotonie, surtout quand les saisons commencent à s’en mêler. Côté narration, le titre est à des années lumières des Trails principaux et leurs enjeux géopolitiques massifs. On reste sur une formule terre à terre de jeune garçon qui vit une aventure faite de rencontres, de rites initiatiques et de lutte face à une adversité aux pouvoirs démesurés, dans la plus pure tradition du jeu de rôle japonais à l’ancienne. Gentils très gentils et méchants pas toujours si méchants inclus. Moins verbeux qu’un épisode canonique, The Legend of Nayuta reste plus loquace que la moyenne, mais évite de trop s’étirer. Plutôt facile sur sa trame principale, il faut compter une vingtaine d’heures pour voir la conclusion de l’histoire. Les amoureux de contact physique avec un cactus auront quant à eux besoin d’une trentaine d’heures supplémentaires pour tout nettoyer proprement et aller se fritter avec un NG+ qui n’attend qu’eux, un sourire carnassier et la bave aux lèvres. Enfin, des améliorations bienvenues ont été apportées à cette ultime version, améliorant l’expérience. On pense notamment à la refonte sonore intégrale, couplée à une modernisation du jeu avec l’ajout d’artworks des personnages pendant les dialogues, ainsi qu’à l’ajout d’un mode rapide, pour mieux expédier certaines séquences redondantes.
On laisse pas Nayuta dans un coin
Au final, les défauts de The Legend of Nayuta les plus rédhibitoires pour certains restent son absence de localisation française et sa technique largement dépassée. Les anglophiles seront toutefois heureux de pouvoir enfin profiter d’un titre resté cloîtré au Japon plus d’une décennie dans des conditions confortables. Imperfection moins marquée, mais présente tout de même, quelques approximations côté gameplay sont à déplorer. Pêle-mêle, citons l’utilisation pas toujours optimale d’un grappin et des hitboxes parfois douteuses venant apporter quelques imprécisions agaçantes durant les phases de plateforme et de combat les plus soutenues. Constat d’ailleurs ponctuellement aggravé par une caméra un peu trop proche de notre protagoniste et qui n’aide pas toujours à correctement évaluer les perspectives. Enfin, portage de jeu PSP oblige, il faut bien constater une modélisation plutôt sommaire, aussi bien en termes de personnages que d’environnements. Difficile de ne pas remarquer un contraste flagrant entre les modèles 3D du casting et leur représentation sous forme d’artworks, qui semble d’ailleurs leur conférer, en plus d’un boost de charisme, quelques bonnes années supplémentaires. Finalement, rien qui incite réellement à bouder notre plaisir ou qui parvienne réellement à ternir l’aura de The Legend of Nayuta qui, s’il accuse aujourd’hui tout de même le poids des années, reste très moderne et tout à fait recommandable pour un jeu de 2012.
Conclusion :
On ne l’attendait pas forcément au tournant, de par son statut de spin-off laissant croire que The Legend of Nayuta n’est qu’un petit épisode annexe sans prétention ni réel enjeu. Et pourtant, Falcom y a condensé tout son savoir-faire en matière d’Action-RPG, au point que finalement, on se prend à imaginer une branche alternative aux Trails traditionnels. Inventif, généreux, et engageant, grâce à un gameplay en renouvellement perpétuel et un level design qui laisse la part belle à une multitude de petites idées, The Legend of Nayuta est une excellente surprise, qui nous arrive tout de même un peu tard. Certes, le jeu ne reste disponible qu’en anglais, sa narration n’a pas grand chose de révolutionnaire aujourd’hui et il porte les stigmates de son statut de portage de jeu PSP. Pourtant, la magie opère, et traverser stages et saisons est un plaisir de tous les instants, doublé d’un appel aux nuits blanches tant la tentation de relancer « un petit dernier niveau avant dodo » est grande. Plutôt court et accessible sur sa trame principale, le titre sait en outre se montrer dodu et énervé envers quiconque ose se frotter aux 100%. En bref, The Legend of Nayuta, malgré ses limites flagrantes, est un jeu dans la droite lignée de ce dont Falcom est capable en termes d’action : un gameplay instantané diablement addictif, un level design solide et, surtout, du fun par palettes entières. Hors-piste sans être hors-sujet. Et ça c’est beau.
Pour aller plus loin – Test de The Legend of Nayuta : Boundless Trails (Switch) par Actua
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Trailer du jeu :