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Article réalisé à partir d’une clé Playstation 5 fournie par l’éditeur.

Après un YS IX qui a réussi à préserver l’ADN de la franchise en matière d’exploration malgré des environnements cloisonnés, le studio Nihon Falcom avait déclaré souhaiter ouvrir une toute nouvelle page pour sa franchise d’Action-RPG phare. Logiquement, l’enthousiasme s’est emparé des amateurs, qui se voyaient déjà renouer avec le frisson de la découverte d’une nouvelle formule comme ce fut le cas avec le huitième épisode canonique, propulsé dès sa sortie au panthéon des épisodes les plus appréciés. Avec Ys X: Nordics, le studio puise dans les légendes et la topographie nordique pour mettre en scène une aventure aux paysages côtiers, aux accents épiques et aux tonalités scandinaves. On ferme les yeux gentiment sur la “petite” incohérence géographique du sous-titre (le golfe d’Obélia, théâtre des événements de Nordics étant sans aucun doute plutôt localisé au nord d’Ispani -homologue de l’Espagne- que dans le Grand Nord) et on fait travailler la suspension consentie de l’incrédulité. Si l’Aventure est à ce prix, ainsi soit-il. Des bateaux, des mystères, de la baston et, surtout, la promesse d’une aire de jeu plus vaste que jamais attendent le joueur, avide de retourner décimer la faune et la flore à mach 2 sur des percussions à 180 pulsations par minute. Mais en ces temps troublés, on ne le sait que trop bien : les belles promesses n’engagent que ceux qui les croient. YS X: Nordics fait-il réellement table rase et se détache-t-il de son modèle ?

Le grand détournement

Adol Christin, célèbre aventurier aux cheveux rouge n’a pas toujours été cet explorateur expérimenté qu’on connaît aujourd’hui. Même lui a connu le frisson du premier pas. Ys X: Nordics ne nous propose pas de les découvrir, le sujet ayant été couvert dans les deux premiers opus, mais s’en rapproche tout de même beaucoup, en mettant en scène une aventure placée temporellement entre Ys 2 et Memories of Celceta. Adol, alors âgé de 17 ans, n’est encore qu’un jeune aventurier à la réputation naissante qui embarque sur un navire à destination du prochain chapitre de son épopée. Hélas pour lui, le capitaine n’a pas graissé la patte de la marine de Balta, un groupe de pirates qui garantit sa protection aux marins en échange d’un pot de vin. C’est donc prématurément qu’Adol, accompagné de Dogi et du docteur Flair, se fait débarquer dans la ville de Carnac. Pour poursuivre son périple, l’équipe se met alors à la recherche d’un nouveau moyen de transport ainsi que d’une activité pour renflouer ses finances. Seulement voilà, quand l’aventurier aux cheveux rouge ne cherche pas l’aventure, c’est l’aventure qui vient à lui, et pas qu’un peu. La seule découverte d’un coquillage étrange, duquel résonne une voix mystérieuse aurait déjà été une raison suffisante pour Adol. Mais chez Falcom, on ne fait pas les choses à moitié. Quand la ville se fait attaquer par les griegers, créatures immortelles pour quiconque ne manie pas le mana, Adol voit de nouvelles et puissantes capacités s’éveiller. Le clou est finalement enfoncé par sa rencontre avec Karja, une jeune membre de la Marine à laquelle il se retrouve inexplicablement lié par une étrange chaîne. Adol n’a alors plus d’autre choix que de prêter main-forte à ses nouveaux compagnons pour pouvoir reprendre son voyage.

One PYs

Après le cadre carcéral de Balduq, Ys X: Nordics revient à une formule plus ouverte qui met l’accent sur la navigation, au travers de l’exploration à la fois terrestre et maritime du golfe d’Obélia. Très tôt dans l’aventure, Adol et sa clique embarquent à bord du Sandras, un bateau aussi miteux que légèrement armé, dont l’amélioration s’avère rapidement être la clé de la progression du groupe. Il faut bien avouer que sa résistance initiale ne le destine pas franchement à voguer fièrement au beau milieu des courants marins assassins, des tourbillons périlleux ou encore des flottes immortelles belliqueuses ayant bien assez de poudre à bord pour envoyer par le fond quelques centaines de coquilles de noix. La progression est donc conditionnée à la fois par des obstacles naturels et l’armée grieger qui occupe certaines localisations stratégiques à reconquérir. Heureusement, Adol n’a jamais apprécié les voyages en ligne droite et profite de l’exploration des nombreuses îles environnantes pour dénicher le matériel et la main-d’œuvre nécessaire pour transformer le navire en véritable maître des océans. Et s’il peut redresser quelques torts au passage et transformer les alliés d’un jour en compagnons d’armes permanents, apportant leur contribution à bord, c’est tout bénef’. Au final, l’évolution du Sandras rappelle beaucoup le village des naufragés de Ys VIII sans les phases de défense. Mais après tout, chez les nordiques, la tactique, c’est l’attaque.

BalYstique

Pour son volet action terrestre, Nordics repose sur la formule initiée depuis Lacrimosa of Dana, mais apporte des variations plus marquées que dans Monstrum Nox. Au revoir l’équipe de trois personnages et la sensibilité des ennemis à tel ou tel type de dégâts. Si le changement de personnage à la volée reste d’actualité, le joueur n’incarne tout au long du jeu qu’Adol et Karja. La grosse nuance, c’est le lien de mana qui unit le binôme et leur permet d’atteindre une synchronisation parfaite au prix d’une proximité forcée. Manette en mains, cette liaison se traduit par des attaques à l’unisson en une simple pression de gâchette et tout un panel d’attaques spéciales combinées à débloquer au fil de l’aventure. S’adonner à la mêlée en solo reste bien sûr possible, avec les habituels raccourcis à assigner pour les attaques spéciales, mais l’efficacité reste l’apanage du mode duo, surtout qu’aucun malus particulier n’empêche d’en abuser. La refonte est notable côté défense également, qui n’est plus synonyme de boost de vitesse ou d’attaque. L’esquive est beaucoup moins ultime puisqu’elle ne “casse” plus les animations des attaques tandis que la garde gagne nettement en importance. Toute parade réussie remplit une jauge de vengeance qui applique un multiplicateur de dégâts à la prochaine compétence utilisée. Et dans le cas où une esquive ou un blocage sont correctement timés, en avant le contre au visuel explosif et à l’efficacité particulièrement satisfaisante. En résulte un jeu plus statique et légèrement moins frénétique, qui pourra demander un travail de réadaptation aux habitués des opus récents.

Yssez la grand voile

Du côté naval, le golfe dObélia n’est pas un long fleuve tranquille et Ys X: Nordics propose son lot d’escarmouches maritimes. Contre toute attente, Adol a le pied plutôt marin et s’avère d’une efficacité redoutable lorsqu’il s’agit de décimer les flottes ennemies. Enfin, surtout en théorie durant les premières heures, tant le maniement du Sandras s’avère au départ d’une lourdeur et d’une lenteur frustrantes. Heureusement, les choses s’arrangent après un temps, grâce aux augmentations statistiques et aux ajouts réguliers dans l’arsenal du rafiot. Aux simples canons viennent s’ajouter plusieurs types de boulets aux effets variés, ainsi que de nombreuses armes secondaires aux effets dévastateurs et souvent fort utiles. Tirs rapides, canons givrants, boulets incendiaires et projectiles magiques à tête chercheuse ne sont que quelques exemples des jouets mis à la disposition du joueur pour faire de son bateau un destroyer digne de ce nom. À condition, bien sûr, de recruter les bons membres d’équipage ou de dénicher les plans nécessaires en récompense de quêtes annexes ou dans le stock des marchands locaux. Les combats en mer font aussi ponctuellement office de remplaçants des phases de défense de Ys VIII et des Nuits de Grimwald de Ys IX, avec des phases d’abordage durant certaines escarmouches (signalées sur la carte par une couleur différente) et la reconquête de certaines îles tombées sous la coupe de l’armée grieger. Dans les deux cas de figure, et contexte marin oblige, il faut d’abord nettoyer les côtes avant d’aller finir le travail pied à terre le temps de quelques vagues ennemies. Classique, mais toujours efficace.

Y’en a un peu plus, j’vous l’fais gratYs

Dans l’absolu et s’il fait illusion un temps notamment grâce au Sandras, difficile de ne pas retrouver en Ys X: Nordics une ossature similaire à celle qui a fait le succès de Lacrimosa of Dana. Et pour cause, le cahier des charges semble avoir mis un point d’honneur à cocher les mêmes cases. Progression chapitrée, narration qui explore une double temporalité, base à améliorer contre toujours plus de fonctionnalités et d’outils, aspect metroidvania light qui conditionne l’exploration par l’obtention d’équipements à découvrir aussi bien sur terre (grappin, planche de surf, …) que sur les flots (mana-voile et mana-barrière), … bref, tout est là, ou presque, sous une forme certes différente mais jamais très éloignée. Même la pêche signe son grand retour, pour le bonheur des petits et des grands. La gestion de l’équipement reprend elle aussi la formule classique, laissant le joueur se ruiner régulièrement auprès des marchands pour acquérir de nouvelles armes et armures puis à la forge pour les améliorer. Pas de quoi chambouler une tambouille désormais rodée, même si quelques nouveautés apparaissent par petites touches, comme les banquets garantissant des buffs statistiques temporaires à l’équipage (en plus des recettes habituelles) ou encore l’Arbre des Connaissances. Sorte de sphérier linéaire, ce dernier propose au joueur de sertir de perles de mana de différentes couleurs, avec à la clé plusieurs bénéfices qui raviront les accros de la personnalisation. D’une part, progresser dans les strates de l’Arbre améliore les caractéristiques d’Adol et Karja tout en leur octroyant de nouvelles compétences offensives. D’autre part, de puissants bonus passifs récompensent quiconque optimise la configuration des perles. La théorie du “toujours plus” en bonne et due forme.

Mass Ysteria

Dans la lignée du huitième épisode, encore lui, Ys X: Nordics propose un fil rouge plus léger, moins sombre que celui du neuvième opus, comme si l’âge d’Adol conditionnait le contenu de l’aventure. S’il est résolument centré sur le binôme (qui fonctionne par ailleurs extrêmement bien), les personnages secondaires ont toutefois droit à un peu d’exposition durant les quêtes annexes. Rien d’incroyable, mais il est toujours plus sympathique de voguer aux côtés d’autres choses que PNJ A et PNJ B. Le nouveau moteur, sans faire de miracles sur un retard technique évident, a tout de même le mérite de proposer quelques panoramas sympathiques, de rafraîchir le chara-design pour un rendu proche de ce qu’on peut voir du côté de la saga Trails, et surtout d’afficher un framerate stable en toutes circonstances, même les plus apocalyptiques. Et la pyrotechnie s’affole beaucoup dans Ys. Il faut tout de même bien admettre que Nordics a sensiblement revu la population ennemie à la baisse, comparé à un Monstrum Nox qui frôlait le Musou. Pas de quoi ternir l’allégresse d’une action toujours ultra-dynamique toutefois : quand on lance un Ys, on sait où on est et Nordics ne trahit nullement cet adage. L’aventure propose en outre une durée de vie tout à fait correcte, entre 25 et 50h selon les envies de papillonnage de chacun. Mention spéciale également à la localisation française, quasi irréprochable et ce, dès la sortie du jeu, hallelujah ! Enfin, glissons un petit mot sur l’OST qui, sans surprise, s’avère aussi princière qu’espérée. Une fois encore, la Sound Team JdK semble trop énervée pour faire des concessions côté qualité. Immense respect pour eux, assurer un tel standard à chaque sortie depuis plus de 35 ans, c’est de la science-fiction.

Numéro bYs

Malgré ses qualités évidentes, YS X: Nordics n’est évidemment pas un jeu parfait et comporte un certain nombre de points noirs capables de décourager certains joueurs. Le premier étant évidemment une technique de la décennie dernière avec tout ce que ça sous-entend : environnements peu détaillés, modélisations pas toujours de première fraîcheur et l’histoire elle-même, bien que sympathique, n’est pas particulièrement mise en valeur côté mise en scène. Autre point de rupture, un challenge en berne qui pousse encore l’accessibilité un cran plus loin que Ys IX, déjà pas bien hostile. Les combats navals sont d’une simplicité enfantine et les escarmouches terrestres donnent au joueur le sentiment d’être d’un niveau supérieur à celui calibré par les développeurs passé le premier tiers de l’aventure. Rien de rédhibitoire, mais force est de constater que l’ère Felghana / Origins est plus que jamais derrière nous. Autre grief, la lisibilité de l’action, qui perd en clarté ce qu’elle gagne en explosivité, notamment lors des boss multiples qui peuvent rapidement tourner à la punition gratuite dans le chaos ambiant. Et puisqu’on parle des combats, on déplore également un déséquilibre un poil trop prononcé en faveur du mode duo, finalement pas si généreux, tandis que la baston solo à l’ancienne s’avère bien mieux fournie et variée, mais sera sous-exploitée par la majorité des joueurs puisque moins instantanément efficace sans efforts. Enfin, si le titre fait la part belle à une exploration maritime qui renoue de façon convaincante avec le frisson de l’aventure, force est de constater qu’on n’échappe pas au “syndrôme Wind Waker”. Le nombre d’îles à explorer est certes correct, mais la majorité d’entre elles est de taille réduite et propose une topographie souvent basique. Dommage.

Conclusion :

Il suffit de quelques minutes de jeu pour voir s’évanouir toutes les promesses de renouveau. La faute, sans doute, au fait que la franchise soit récemment sortie de sa niche et cherche à conjuguer les désirs de son public historique et ceux des nouveaux venus. Toutefois, dire que Ys X: Nordics est une déception serait clairement mensonger, tant le plaisir de jeu est une fois de plus au rendez-vous. Avec sa volonté évidente de renouer avec le succès de l’intouchable Ys VIII, le dernier né de Nihon Falcom décline une nouvelle (et dernière ?) fois sa formule moderne avec juste ce qu’il faut de nouveautés pour que la mayonnaise prenne à nouveau. Sans drastiquement changer la donne, la navigation et les joutes à coups de boulets de canon constituent un changement d’air bienvenu, suffisant pour donner envie une fois encore de s’adonner aux joies de l’exploration frénétique. On aurait apprécié une variété plus prononcée du côté des îles à explorer et du nouveau système de combats en duo, mais ce serait faire la fine bouche tant l’ensemble s’avère d’une efficacité toujours aussi redoutable, sublimé une fois de plus par les compositions galvanisantes (et d’un niveau honteusement régulier) de la Sound Team JdK.  Reste désormais à savoir ce que compte nous concocter Nihon Falcom pour la suite, les promesses n’étant pas tombées dans l’oreille d’un sourd. Mais en l’état, tout porte à croire que la vie d’Adol nous réserve encore assurément quelques beaux chapitres.

 

Pour aller plus loin – Test YS X: Nordics par Actua

Test YS X: Nordics par Hyperion Seiken

 

 

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Trailer du jeu :