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Article réalisé à partir d’une clé PS4 fournie par Koch Media.

Monark est un J-RPG lorgnant allègrement du côté du tactical, et fruit du travail conjoint des studios FuRyu (Crystar, Heroland, …) et Lancarse (Strange Journey Redux, Lost Dimensions, …). Si son annonce dans Famitsu n’a pas forcément fait grand bruit dans les médias traditionnels, le titre a néanmoins fait son petit effet auprès des connoisseurs les plus chevronnés. Il faut bien avouer que quand on annonce un scénario coécrit par Ryutaro Ito, ayant notamment œuvré sur Shin Megami Tensei If…, le jeu souvent considéré comme le point de départ de la série Persona, la curiosité s’avère effectivement titillée. Et quand les producteurs eux-mêmes s’avouent inspirés par la désormais célèbre franchise d’Atlus durant leur campagne promotionnelle, l’attention est logiquement sollicitée. Pour autant et malgré sa nature de School RPG, Monark est-il réellement dans la droite lignée de son modèle ? Après plusieurs dizaines d’heures passées à arpenter les couloirs brumeux de la Shin Mikado Academy, le constat est sans appel : le socle commun est évident, mais notre sujet du jour tente de faire les choses à sa manière.

Lycée, démons et lapin en peluche

Dès ses premières minutes, Monark donne le ton. Emprisonnés dans l’enceinte de la Shin Mikado Academy par un mystérieux champ de force qui empêche tout contact à l’extérieur, les lycéens se trouvent livrés à eux-mêmes et en proie à un étrange brouillard. La brume fétide envahit chaque recoin du campus et s’avère capable de ronger la santé mentale de ceux qui osent s’y aventurer trop longtemps. Autre problème, les téléphones sont devenus des objets dangereux et sont désormais connectés à l’Otherworld, un lieu peuplé de créatures meurtrières qui n’hésitent pas à s’en prendre à quiconque répond à leur appel. C’est sur ces prémices que notre héros amnésique fait la rencontre de Vanitas, un Daemon à l’apparence de lapin en peluche un tantinet glauque. Mais son aspect mignon cache en fait un Monarque, une entité surpuissante capable de former un pacte avec un humain et de partager ses pouvoirs (son Authority) avec lui. Vanitas se targue néanmoins d’avoir un statut spécial puisque contrairement à ses confrères, il n’est pas affilié à l’un des sept pêchés capitaux. En se liant à lui, notre protagoniste devient un pactbearer et apprend alors que le brouillard est provoqué par l’utilisation de l’autorité des autres Monarques. Pour rendre son état normal à l’école, notre protagoniste doit donc traquer les autres pactbearers afin de sceller leur pacte. Malheureusement, la problématique s’avère plus épineuse que prévue, certains détenteurs de pouvoirs se révélant relativement pacifistes et, pire encore, dotés d’une bonne raison d’utiliser leurs capacités.

Dans la brume

On pourrait croire que Monark est fondu dans le même moule que la célèbre franchise d’Atlus. Il faut bien admettre que tout y est, du School-RPG au monde parallèle, en passant par les démons et les pouvoirs. Pourtant, la réalité est tout autre, tant les deux expériences sont diamétralement opposées. Monark se décompose en chapitres, durant lesquels notre protagoniste doit arpenter le campus, bâtiment par bâtiment. Chacun recèle son antagoniste, dont il faut localiser les “Ideals”, des cristaux symbolisant ses motivations et dont la destruction permet d’annuler son pacte. Pas question de faciliter la tâche au joueur, puisqu’ils sont systématiquement cachés dans l’Otherworld et protégés par des démons belliqueux. Le joueur doit donc, étage après étage, dénicher des smartphones, seuls sésames permettant de rallier l’autre dimension. La progression est conditionnée par des énigmes, plus ou moins cryptiques, qu’il faut résoudre tout en surveillant sa santé mentale qui s’égrène inexorablement. Combinaisons de coffres, PNJ fous bloquant une porte, clé cachée, tout est bon pour inciter à passer l’académie au peigne fin. Le moindre détail compte, jusqu’aux fiches de profil des étudiants aliénés qui peuplent les couloirs brumeux. Autre entorse aux codes du JRPG, l’exploration est dépourvue de combats aléatoires. Mais la santé mentale n’est pas la seule entrave du joueur, puisqu’il reçoit occasionnellement des coups de fil d’outre-tombe. Y répondre le transportant sur les champs de batailles les plus difficiles du jeu, et ce, dès le début de l’aventure, les ignorer est une nécessité absolue. Malheureusement, tels nos chers fournisseurs d’accès internet, ils s’avèrent d’une ténacité hors norme en plus de pousser les étudiants zombifiés à pourchasser le protagoniste pour le rendre fou à son tour, provoquant un aller simple à l’infirmerie.

Le roi qui aimait trop la guerre

Côté baston également, Monark se démarque de sa concurrence, avec des combats plus orientés tactique, reprenant en grande partie le système de Lost Dimensions. Durant son tour de jeu, le joueur doit positionner ses unités de façon réfléchie à l’aide de cercles symbolisant leur périmètre d’action. La portée et les zones d’effets sont également délimitées par des marquages au sol qu’il faut scrupuleusement jauger. Le placement revêt ici une importance capitale, à plus forte raison quand on sait que le trépas du personnage principal est synonyme de Game Over et que les alliés à portée d’une cible peuvent se joindre aux festivités avec des attaques de soutien. Autre singularité, les ressources employées pour utiliser les compétences de combat incitent à la prudence : les compétences physiques siphonnent les barres de vie, tandis que les magies et skills de soutien rabotent la santé mentale. Un compteur de folie atteignant les 100% signifie un bon vieux berserk des familles et le décès de l’unité trois tours plus tard. Il existe également une contrepartie à la folie, l’éveil, permettant aux personnages humains de bénéficier d’un boost de statistiques conséquent ainsi que de nouvelles attaques. Mais ça ne s’arrête pas là, le protagoniste disposant de capacités spéciales uniques capables de faire entrer en résonance alliés et ennemis pour les forcer à partager leurs buffs et débuffs. Le planificateur avisé peut ainsi mêler folie et éveil et atteindre l’Illumination, un statut capable de s’affranchir des effets négatifs de la folie et permettre à ses unités humaines d’employer leur compétence ultime tout en engendrant une augmentation de dégâts absurde. En ajoutant à ces mécaniques un système de délégation autorisant les membres du groupe à concéder leurs actions inutilisées à leurs alliés, on se trouve face à un segment pugilistique riche, profond et diablement addictif. Une franche réussite.

Crusader Kings

Qui dit RPG sous-entend généralement gestion, et là aussi, Monark ne déroge pas à la règle mais tente une approche sensiblement différente. Première originalité, le titre propose de nombreux tests de personnalité permettant en théorie de modeler l’avatar suivant les réponses du joueur. Au fil des tests et des combats, le protagoniste construit son Ego au travers de sept traits de caractères qui correspondent à chaque péché capital. Malheureusement, cet aspect s’avère assez mal exploité, dans le sens où il ne conditionne finalement que l’obtention de quelques bonus de statistiques et l’ordre dans lequel les démons alliés sont débloqués au fil de la progression. Puisque l’on parle des démons, il faut savoir que contrairement à MegaTen, il n’est ici jamais question de fusion, ni d’héritage de compétences. Les démons sont pour ainsi dire des unités comme les autres, si ce n’est qu’ils disposent d’équipements et sont dénués de jauge d’éveil, contrairement à leurs homologues humains. Pour le reste, l’essentiel du système de progression est le même, et repose sur l’obtention de points d’Esprit, l’unique ressource du jeu. Chaque combattant dispose de compétences fixes, à débloquer en échange d’Esprit et disposées sur des arborescences classiques. Mais pas question d’économiser pour ne se focaliser que sur les compétences qui nous plaisent le plus, en tout cas, pas dans un premier temps, puisque chaque achat procure un niveau à l’unité correspondante et s’accompagne évidemment d’un bonus de statistiques. Au joueur de jauger au mieux et de faire les compromis qui lui semblent les plus pertinents et équilibrés. Un système original, bien que perfectible, mais qui a pour mérite de tenter de bousculer les habitudes des joueurs.

Destitution

Mais les intentions et les idées ne font pas tout dans le monde impitoyable du jeu vidéo et il faut bien admettre que Monark, malgré toute l’originalité dont il fait preuve, est une expérience souvent décourageante. Son volet technique est daté, et sa direction artistique, bien que sympathique au niveau du chara design et souvent excellente côté musical (ces thèmes de boss), ne sauve pas les meubles. Les lieux traversés peinent à se différencier, accentuant une redondance déjà prononcée, la faute à une structure répétitive et des mécaniques qui ne convainquent pas toujours. L’histoire elle-même (uniquement en anglais), si elle n’est pas dénuée de parti-pris intéressants, s’avère pétrie de redites et, sans trop en dévoiler, campe une immense foire au recyclage passé sa première moitié. Pire encore, arrivé à ce fameux point pivot de l’aventure, Monark se permet de gonfler artificiellement sa difficulté à chaque escarmouche, forçant le joueur à retourner farmer des heures entre chaque combat, sans réelle valeur ajoutée côté tactique. Des segments entiers qui pourraient s’expédier rapidement compte tenu de leur contenu narratif finissent par s’étaler sur de bien trop longues heures, dont une bonne majorité de grind bête et méchant. De quoi achever même les joueurs les plus conciliants. Et ce n’est pas la mise en scène du titre qui sauvera les meubles, étant donné qu’elle compte assurément parmi les plus statiques et désincarnées du marché. C’est bien simple, même le travail très correct des Voice Actors ne suffit pas à générer d’empathie envers le casting, inexpressif au possible, malgré des motivations sombres et profondes qui pourraient pourtant sonner juste. Que ce soit dit, voir la véritable fin de Monark se mérite, mais pas pour de bonnes raisons.

Conclusion

Pétri de bonnes idées et d’intentions louables, Monark aurait pu être un excellent titre, mais rate le coche, la faute à des défauts structurels et techniques trop prononcés. Une réalisation trop datée, une mise en scène d’une aridité sans nom, des mécaniques qui ne fonctionnent pas toujours ainsi qu’une redondance extrême sont autant de haies qui entravent l’aventure des téméraires qui oseront s’aventurer dans la brume de la Shin Mikado Academy. Pour autant, difficile de détester Monark dans son intégralité, tant il délivre des trésors d’ingéniosité durant ses combats, avec un système travaillé, riche, profond et valorisant pour quiconque prendra la peine d’en maîtriser les arcanes. Le propos et l’atmosphère du jeu pourront également s’avérer suffisamment intéressants pour accrocher un certain public, plus conciliant avec ses errances techniques et son manque de finitions flagrant ou tout simplement en quête d’une aventure originale à parcourir à petites doses. En l’état, les bases sont posées et sont loin d’être dénuées d’intérêt. Il ne reste désormais plus qu’à espérer une suite qui saura gommer les défauts de son aîné, bien trop perfectible pour s’accorder les faveurs du grand public.

 

Pour aller plus loin – Test de Monark par Actua

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Trailer du jeu :