Sorti dans une indifférence consensuelle en 2015 sur Wii U, Super Mario Maker premier du nom aura finalement tenu la dragée haute à tous ses détracteurs. Il faut dire que le pari était de taille, puisqu’il a d’abord été présenté comme un simple éditeur de niveaux principalement destiné aux plus créatifs, ce qui n’a pas manqué d’engendrer de nombreuses réactions glaciales et l’absence d’engouement qui va de pair. Mais contre toute attente, le produit final aura finalement réussi à renverser la vapeur de l’opinion public et professionnel grâce à son ingéniosité, sa folie, sa générosité et son accessibilité qui ont eu l’opportunité d’éclater au grand jour, poussés par les réseaux sociaux et Youtube. Il va sans dire que, comme bon nombre des titres parus sur la console au Gamepad, ce succès était appelé à trouver un souffle nouveau sur Switch, bien plus populaire que son aînée. Mais cette fois, plus qu’un simple portage, Nintendo entend bien nous proposer une suite Harder, better, faster, stronger.
L’art de poser sa brique
Si vous ne l’aviez pas encore compris, Super Mario Maker 2 est avant tout, comme son grand frère avant lui, un éditeur de stages de Super Mario. De tous les Super Mario, plus précisément, puisque le jeu embarque les différents moteurs qui ont contribué à forger la notoriété de la licence sur plus de trois décennies. De Mario Bros NES au nouveau venu 3D World, tout y passe. Loin d’être anodin, le choix d’un moteur est crucial pour la confection d’un niveau puisque chacun d’entre eux embarque son propre panel de blocs, d’ennemis, d’objets bonus, de mécanismes et de mouvements disponibles pour le plombier. La galerie des différents décors disponibles permet quant à elle d’accéder à diverses autres spécificités, comme la gestion des fluides (lave ou eau) ou tout simplement de poser l’atmosphère de ses futures créations en modifiant ambiance et musique. À noter qu’il est généralement possible de changer ces éléments à la volée sans devoir tout reprendre à zéro, exception faite du moteur de 3D World, trop spécifique pour être transposé. Vient ensuite le temps de la création pure. Et là, c’est plus de trente ans de Royaume Champignon que le jeu nous balance au visage. La plupart de ces éléments ont plusieurs variantes avec leurs spécificités, et une bonne partie d’entre eux peuvent se combiner. Après tout, pourquoi se contenter d’un Bowser quand on peut disposer à sa guise de plusieurs Bowsers géants disposant chacun d’un canon lanceur de poulpes volants attaché à la tête ? Ajoutez à ça la possibilité de gérer un scrolling automatique, d’apporter toute une batterie d’objectifs de réussites à vos créations et de nombreuses autres joyeusetés et vous commencerez à effleurer la surface de ce que permet l’éditeur. Attention toutefois à ne pas avoir la main trop lourde sur l’homicide volontaire, puisqu’il faudra être en mesure de venir soi-même à bout de ses inventions pour les publier. On n’en attendait pas moins d’une licence qui a posé les premières pierres des fondations du jeu de plateformes sur console, mais le premier contact peut s’avérer assez vertigineux pour un débutant qui n’aura pas forcément d’idée précise en tête et qui ne connaît pas encore sur le bout des doigts les possibilités des divers éléments à sa disposition.
Bon comme une brique
Judicieusement, Nintendo a pensé aux nouveaux venus en incorporant au jeu un mode histoire au fil rouge certes anecdotique, mais garni de créations mettant parfaitement en valeur les possibilités de l’éditeur. Ce sont pas moins de 80 échantillons illustrant à merveille le fonctionnement des divers éléments qui constituent cette grosse boîte de légos à la sauce Nintendo. Les parcourir en tant que joueur donne déjà l’occasion de s’amuser quelques heures, mais une fois le casque de responsable de chantier enfilé, c’est d’un tout autre oeil qu’on observe chaque pan de ces stages. Et c’est là que toute la magie opère, puisque, de façon quasi subliminale, Mario Maker s’avère extrêmement éducatif. La moindre brique, le moindre tuyau, le moindre obstacle d’un parcours se transforme en une source d’inspiration, venant alimenter le savoir et l’imagination de l’innocent joueur tout en le formant aux arcanes du level design. Néanmoins, ne comptez pas sur ce seul mode pour épancher votre soif de plateformes, l’histoire reste avant tout une porte d’entrée vers la création et en aucun cas l’équivalent d’un opus plus traditionnel en terme de contenu. Fort heureusement, Mario Maker est par essence un jeu communautaire et il sera toujours possible de se tourner vers les trouvailles des autres quand une envie de redevenir un simple joueur se présente. Sous réserve de disposer d’un abonnement, bien sûr.
Travaux publics
En bonne poutre porteuse du titre, sa communauté est ce qui en fait sa plus grande force. Si en pratique, Mario Maker se veut être un outil de fabrication, il est parfaitement possible de ne lancer le jeu que pour s’essayer aux indénombrables publications d’autres joueurs. Que ce soit avec le mode “Défi infini”, proposant d’enchaîner les challenges de façon aléatoire jusqu’à épuisement du stock de vies, ou en choisissant ses niveaux à la carte, vous trouverez toujours de quoi vous occuper les pouces. Comme toujours, il faut accepter l’idée de tomber régulièrement sur des constructions branlantes et parfois peu intéressantes, mais le bon côté des choses, c’est qu’une quantité théoriquement infinie de bons parcours vous tend les bras. Et pas d’inquiétude à avoir pour ce qui est de la variété, l’éditeur offre bien assez de souplesse pour permettre bon nombre d’excentricités. Vous trouverez forcément chaussure à votre pied avec la pléthore de Speedruns, énigmes, niveaux musicaux ou même narratifs disponibles. A ce titre, Nintendo a d’ailleurs appris quelques leçons depuis le premier volet, et, en plus des anciennes catégories de filtrage (popularité, prometteurs, nouveaux), il est désormais possible d’effectuer des recherches affinées à l’aide de plusieurs critères, comme le moteur utilisé, le décor ou encore diverses thématiques. Ça ne paye pas de mine, mais le confort apporté à la recherche du stage parfait est loin d’être négligeable. Autre petite nouveauté, il est désormais possible de jouer en coopération ou en concurrence avec trois autres joueurs dénichés au hasard. À vos risques et périls, toutefois, puisque l’immense majorité des niveaux disponibles sont clairement prévus pour n’être joués que par une seule personne.
Défaut de fabrication
Malheureusement, tout n’est pas idyllique au pays de la brique, et la pondération reste comme toujours de mise. Le premier point qui risque fort de décourager certains apprentis Miyamoto est l’interface de l’éditeur. S’il est bien une chose sur laquelle la Wii U avait la primeur, c’est sur le confort d’utilisation offert par son combo Gamepad – écran, difficilement égalable par un dispositif pourvu d’un unique affichage. Pas forcément gênant pour quiconque s’adonne au jeu en mode portable, il faudra quand même rapidement envisager l’achat d’un stylet, non fourni, pour jouir d’une absence de grosse traces de doigts sur l’écran de la console et d’une précision optimale. Pour les autres, ceux qui jouent exclusivement dockés, il faudra faire preuve d’une patience de moine bouddhiste pour ne pas trop se mélanger les pinceaux avec une manette, bien moins pratique même si de nombreux raccourcis atténuent un peu la douleur. Autre sujet de discorde, le mode multijoueur, bien trop souvent calamiteux lorsqu’il s’agit de jouer en ligne, que ce soit en coop’ ou en versus. Certes, l’intérêt premier du titre n’est pas là, mais ce qui aurait pu être un petit bonus sympa le temps de quelques parties s’avère catastrophique, tant le lag est omniprésent et handicapant. Enfin, le dernier point noir à déplorer est le caractère communautaire du titre, à double tranchant. La mise en avant des niveaux reste arbitraire et peut finir par frustrer, tant il est fréquent de voir certains stages géniaux sombrer dans les abysses de l’anonymat tandis que d’autres, plus conventionnels et beaucoup moins créatifs squatteront allègrement les premières places du classement des semaines durant. On apprécierait une rotation un peu plus régulière afin de permettre à certains auteurs méritants d’avoir une petite chance de se retrouver sous le feu des projecteurs à leur tour.
Conclusion
Après trente-six ans de bons et loyaux services, Nintendo tend le gant et défie les aficionados du plombier à faire mieux que son géniteur. Si le défi peut paraître de prime abord intimidant, le titre a l’élégance d’épauler le joueur efficacement pour le pousser à analyser, comprendre et expérimenter chacun des éléments fournis dans ce coffre à jouets garni comme jamais. La plus belle réussite du jeu est sans doute là, dans la formation fluide et naturelle au level design de ceux qui le pratiquent et qui fera à n’en point douter naître quelques vocations. Que vous vous sentiez l’âme d’un bâtisseur ou que vous soyez un simple joueur désireux d’avoir à portée de pouces la ration de toute une vie de niveaux d’une des références du jeu de plateformes, ce nouveau volet de Super Mario Maker a clairement les arguments pour vous combler.
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