Article réalisé à partir d’une clé Steam fournie par PLAION.
Configuration de test : Core i7-12700KF, 32 Go de RAM, GeForce RTX 3070Ti 8 Go.
Paru en 1994, System Shock est, à juste titre, considéré encore aujourd’hui comme un titre légendaire. Même si les joueurs qui l’ont pratiqué à l’époque se font rares (on parle de 170 000 copies écoulées à l’époque) l’influence du titre se fait encore sentir dans la production d’aujourd’hui. Grand précurseur des Immersives Sims, c’est à lui qu’on doit bon nombre de codes de jeux modernes. Le mélange entre FPS, RPG et puzzles ? C’est lui. L’antagoniste qui passe son temps à contacter le joueur pour titiller ses nerfs ? Encore lui. Une structure ouverte, non linéaire avec un environnement hautement interactif ? Toujours lui. Ses apports sont multiples, tranchant largement avec la production de l’époque, et ont indirectement inspiré de nombreuses franchises comme Prey ou encore Bioshock. Rien que ça. Après une tentative de comeback au travers d’une version Enhanced en 2015 co-développée avec Looking Glass Studios, Nightdive Studios entreprend une refonte en profondeur en solo, avec comme objectif de “restituer la Citadelle, non pas comme elle était, mais comme on s’en souvient”. Huit ans et un kickstarter plus tard, le projet est désormais terminé et s’est livré à nos doigts (plus ou moins) experts. Le remake de System Shock est-il à la hauteur de la légende ? Et surtout, aussi modernisée soit-elle, la proposition d’un jeu de 1994 peut-elle être en phase avec les attentes des joueurs de 2023 ?
Vis ma vis d’insecte
Dans System Shock, le joueur incarne un hacker talentueux, mais un peu trop avide pour son propre bien. Pris la main dans le sac durant le piratage du réseau de TriOptimum, une corporation tentaculaire fabriquant des implants ultra perfectionnés, notre anti-héros finit au trou avant même d’avoir pu finir de dresser son majeur au visage des forces de l’ordre. Ironie du sort, il est désormais incarcéré dans les profondeurs de la Citadelle, station spatiale-prison et propriété privée de la corporation qu’il tentait de braquer quelques heures plus tôt. Autant dire que l’espoir de revoir la lumière du jour lui paraît bien maigre. Toutefois, les événements prennent une tournure inattendue quand Edward Diego, président de TriOptimum, le convoque dans son bureau. Son deal : abandonner les charges qui pèsent contre notre infortuné pirate s’il parvient à cracker la matrice d’éthique de SHODAN, l’IA en charge de la prison. Petit bonus, il obtiendra même l’implant convoité en cadeau. Un marché alléchant qui convainc rapidement le hacker de se mettre au boulot. Seulement voilà, une fois sa tâche effectuée, c’est un petit coma artificiel de quelques mois qui lui sert de récompense. A son réveil, la situation a bien sûr totalement dégénéré. SHODAN se prend désormais pour une divinité et a pris le contrôle de la Citadelle. Pire encore, l’intégralité du personnel carcéral est désormais soit mort, soit transformé en cyborg sanguinaire. Et petite cerise pourrie sur le quatre-quart premier prix, SHODAN prévoit d’utiliser le laser de la station pour attaquer la Terre.
Retour vers le futur
Pour sa refonte de System Shock, Nightdive a opté pour une expérience reposant sur les fondamentaux de l’original de 94. On retrouve donc une structure identique, reposant sur l’exploration libre de la Citadelle en vue à la première personne, entrecoupée de puzzles, de phases de hacking et de combats contre les créatures belliqueuses qui la peuplent. La station spatiale est toujours ce même dédale d’une dizaine d’étages où la mort rôde, constamment tapie dans l’ombre. Dans la plus pure tradition de l’époque, les indications et assistances sont maigres. Pour gravir chaque pallier, le joueur doit compter sur ses méninges et quelques rares indices contenus dans les audio-logs laissés derrière eux par l’équipage. Pas toujours évidente à la base, la progression est également entravée par SHODAN, qui scrute chaque fait et geste du joueur pour mieux lui balancer ses sbires à la tronche, souvent au pire endroit et au pire moment. Détruire les caméras devient rapidement une seconde nature, d’autant plus que le niveau de sécurité d’un étage en dépend et fait office de sésame à certaines portes verrouillées. Côté moyens de défense, le joueur peut compter sur des implants lui accordant certaines facultés (stockage énergétique, analyse, cartographie, vitesse améliorée, …) ainsi que sur une palanquée d’armes diverses et de consommables de types variés (soins, buffs, …). Adapter son arsenal suivant les situations devient rapidement une nécessité, tant les repops sauvages et perpétuels d’ennemis engloutissent munitions et soins à une vitesse démesurée. L’inventaire étant limité, il faut également gérer son stockage au mieux, quitte à vaporiser les objets moins indispensables, avec à la clé quelques crédits à investir dans des mods d’armes.
Cyberpunk 2072
On se perd beaucoup dans les entrailles de System Shock. Il faut dire que rien ne ressemble autant à un couloir rétro-futuriste qu’un autre couloir rétro-futuriste. Mais si Nightdive n’a consenti à aucun compromis concernant l’exploration de la Citadelle par rapport à son homologue de 1994, il en va différemment pour nombre d’autres aspects. La partie technique du titre en tête de gondole, puisque ce remake endosse un visuel plus conforme aux standards modernes. Fini les aplats de textures à la truelle façon Wolfenstein 3D. Bonjour les modélisations bien moins sommaires avec une direction artistique “futur du passé” et tout ce que ça implique de néons et d’écrans LCD bardés d’écritures de h4ckerZ vert sur fond noir. On note une petite touche d’audace avec le crénelage marqué et totalement assumé de nombreux éléments visuels. Autre point appréciable, l’enrobage sonore à été repensé. Les musiques électroniques rébarbatives de l’original laissent place à une atmosphère bien plus glauque, salement silencieuse, faisant la part belle à un sound design nettement plus immersif. Nightdive a également dépoussiéré l’ergonomie globale pour offrir une expérience plus fluide. L’inventaire est plus souple d’utilisation, les éléments interactifs (digicodes, puzzles, …) s’actionnent désormais directement dans la diégèse du jeu (sans déclencher l’apparition de nouveaux éléments d’interface) et de nombreux autres détails sont mis au goût du jour. Et pour ce qui est de l’accessibilité, on a droit à une belle refonte d’interface, plus lisible, ainsi qu’à une difficulté modulable sur 4 aspects (combats, mission, puzzles et cyber). Du beau boulot, tant, mis bout à bout, ces détails favorisent l’immersion et contribuent à faire de System Shock un remake tout à fait praticable en 2023.
Dans l’espace, personne ne vous entendra ragequit
Pour autant, et malgré ses qualités restées intactes depuis près de trois décennies, System Shock n’est pas un jeu parfait. À commencer par son noyau dur, son gameplay qui reste fondamentalement très old school. Tout le monde n’apprécie pas d’être livré à lui-même à devoir effectuer de multiples allées et venues, sans réelle indication, dans un cadre oppressant et sans pitié, qui plus est quand les décors n’aident pas à se repérer efficacement. Et le respawn constant des ennemis, loin de rectifier le tir, rend la sensation de progression parfois laborieuse. Heureusement, la mort reste peu punitive en difficulté standard, mais le challenge impitoyable du titre a largement de quoi engendrer des pertes de temps parfois gratuites. Au final, le plus gros point noir de System Shock, ce sont ses combats, peu précis et manquant cruellement de feedback. Ce n’est évidemment pas l’élément central de l’aventure, mais ils s’avèrent tout de même suffisamment nombreux, même dans les difficultés moins élevées, pour s’avérer gênants. On pourra également arguer que pour un remake, cette nouvelle mouture se contente de remplir le cahier des charges, sans réellement embarquer de nouveautés. Mais dans la globalité, ce serait manquer de lucidité quant à l’attention et au soin accordés à restituer une expérience fidèle malgré la refonte en profondeur. Tout titre de 1994 qu’il soit, il suffit de passer quelques heures en compagnie de SHODAN pour prendre la pleine mesure du jeu d’exception qu’était le titre à son époque et de son caractère atypique qui subsiste encore aujourd’hui. Près de trente ans et toutes ses dents. Et ça c’est beau.
Conclusion :
System Shock était un jeu pas comme les autres, et c’est toujours aussi vrai en 2023. Un travail de refonte implique toujours des risques, menaçant de perdre des portions de l’ADN de l’expérience d’origine. Mais c’était sans compter sur le travail et la passion de Nightdive Studios pour ce classique des FPS SF (le premier qui dit “SFPS” se ramasse un coup de gatling) des années 90. Si elle n’est pas exempte de défauts structurels, cette refonte en profondeur tient ses promesses, aussi bien sur le plan esthétique que sonore, avec son atmosphère prégnante et poisseuse. Malgré un coeur de jeu très roots qui ne conviendra pas à tous les joueurs, l’aventure s’avère sublimée et hypnotisante et dispose de tous les arguments pour marquer même les joueurs modernes. On ne peut que conseiller sa découverte aux joueurs curieux, ne serait-ce que pour la culture et faire la connaissance de SHODAN, antagoniste aussi glaçant que génial. En tout cas, on croise fort les doigt pour que le même traitement soit accordé à System Shock 2.
Pour aller plus loin – Test de System Shock par Actua
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Trailer du jeu :