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Article réalisé à partir d’une version obtenue via le Xbox Game Pass.

Premier jeu du studio australien Beethoven & Dinosaur, The Artful Escape est avant tout le projet d’un musicien amoureux des jeux vidéo. Après plus de dix années à gratter au sein de son groupe, les Galvatrons, Johnny “Galvatron” a finalement pu profiter d’une pause musicale pour fonder son propre studio et tenter de réaliser son jeu. Son ambition ? Proposer une aventure puisant dans ses expériences tirées de l’industrie musicale. Ses inspirations ? David Bowie et son alter ego scénique, Ziggy Stardust, ainsi que l’œuvre de cinéastes comme Kubrick, Anderson et Spielberg. Un tel potentiel artistique ne pouvait qu’attirer l’attention d’Annapurna Interactive, éditeur éminemment connu pour son catalogue à forte valeur ajoutée esthétique et qui s’est empressé de proposer son assistance au studio naissant, suite à une campagne Kickstarter avortée. Plus de quatre ans après sa première présentation à la PAX East, le titre fait finalement sa première tournée mondiale en septembre 2021 sur PC et Xbox. The Artful Escape parvient-il à être plus qu’une simple bizarrerie de l’espace ?

The times they are a-changing

The Artful Escape met en scène Francis Vendetti, jeune guitariste de génie confronté à une impasse créative à la veille de son premier concert. Il faut bien avouer que le contexte est épineux pour l’adolescent. En effet, sa future représentation est organisée dans sa ville natale, la bourgade de Calypso, qui est également l’endroit où a débuté la carrière de son oncle, guitariste folk de légende aujourd’hui décédé. La pression qui pèse sur les épaules du jeune homme est immense, puisque tout le monde s’attend à le voir reprendre le flambeau de son aïeul. Malheureusement, Francis est un garçon particulièrement complexé par la notoriété écrasante de sa généalogie, dont il ne partage d’ailleurs pas les affinités musicales. Pris entre l’enclume de ses propres envies créatrices et le marteau de son devoir familial, il va alors faire la rencontre de Violetta, une mystérieuse jeune femme semblant sortie d’une autre dimension et tenant des propos quasi-mystiques. Francis est alors loin de s’en douter, mais cette étrange altercation est en réalité la première étape d’un périple à la fois cosmique, introspectif et initiatique, au cours duquel il fera la rencontre de son identité profonde et de son destin de rockstar.

Ground control to major Francis

Présenté sous la forme d’un jeu de plateformes à défilement horizontal, The Artful Escape s’inscrit dans la plus pure lignée des jeux édités chez Annapurna Interactive. En effet, le titre propose une aventure mettant plus l’accent sur sa direction artistique, ses personnages et sa narration que sur son gameplay. Jouons carte sur table, ce n’est ni pour son level design ni pour la précision de ses mécaniques que le public en délire viendra lui demander son autographe à sa sortie de loge. Et pour cause, la structure du jeu repose intégralement sur une succession de niveaux étriqués et linéaires, et le faible nombre d’actions à disposition du jeune guitariste sidéral (double saut, impulsion aérienne et charge au sol) ne permet que peu de variété dans les situations rencontrées. Dans l’absolu, la quête de soi psychédélique de Francis se résume à une fuite éperdue en avant, bercée par les vibrations mélodieuses de six cordes métalliques. Si elle n’était pas ponctuellement entrecoupée de sauts simplistes et de quelques combats de boss aux allures de jeu du Simon à cinq touches sans aucune possibilité d’échec, on pourrait même considérer l’aventure comme une expérience narrative parfaitement linéaire. Malgré tout, résumer The Artful Escape à sa seule ossature serait une erreur, tant le titre sait pousser les potentiomètres à onze côté enrobage.

Sound & Vision

En un mot comme en cent, il est extrêmement difficile d’avoir quoi que ce soit à redire à la direction artistique de The Artful Escape. Pour leur première vraie incursion dans le monde du jeu vidéo, Beethoven & Dinosaur ont soigné leur bébé, pour un résultat aussi bluffant que maîtrisé de bout en bout. Aucune extravagance visuelle n’est interdite, tout est permis, y compris une multiplication de références dont les amateurs se délecteront. À moins d’être insensible aux explosions de couleurs, à la pyrotechnie allègrement excessive et aux panoramas aliens, chaque minute manette en main est un appel à l’émerveillement, à plus forte raison quand on est un tant soit peu sensible à ce type d’univers. Et que dire de la bande-son, si ce n’est qu’elle porte les traces évidentes d’un amour inconditionnel pour le glam-rock des années 70 ? La musique est la véritable star de The Artful Escape et tient non seulement une place centrale dans le récit, mais accentue encore d’un cran le travail consenti sur la partie visuelle. Il revient d’ailleurs au joueur de rythmer lui-même sa progression à l’aide de la gratte de Francis. Un simple maintien de touche durant les phases de plateformes, et en avant le solo guitare automatique, déclenchant de nombreuses intéractions avec son environnement. Inutile, mais parfaitement indispensable, on se prend finalement très vite au jeu. On pardonne alors les redondances, les collisions approximatives et les animations de pantin désarticulé des personnages et on savoure l’une des mises en scène les plus flamboyantes de l’année.

Hallo spaceboy

Mais à trop privilégier la forme au fond, The Artful Escape n’oublie-t-il pas qu’une coquille vide le reste, aussi magnifique soit-elle ? Fort heureusement, le titre a le bon goût de ne pas traîner en longueur et de proposer une histoire sympathique et des personnages attachants, campés par un casting vocal trois étoiles. Durant les quatre heures nécessaires à parvenir au terme de cette épopée galactique, aucune intrusion notable dans le drama adolescent lourdingue n’est à déplorer. Au contraire, l’aventure se place plutôt sous le signe du feelgood, préférant accentuer l’ascension glorieuse de son protagoniste plutôt que d’approfondir ses moments de doute. Ces derniers ont d’ailleurs pour vocation principale de mieux lui permettre de relever la tête d’un riff de guitare aussi révolté que ravageur et déclenchant le feu céleste. Beethoven & Dinosaur a préféré pousser son culte pour le rock jusqu’au bout, et voir Francis constituer sa persona de scène en enchaînant les tirades délicieusement absurdes et les faits d’armes imaginaires improbables a un côté franchement réjouissant, même si le délire laissera fatalement des joueurs sur le bord de la route. Car il est sans doute là, le plus gros défaut de The Artful Escape : sa personnalité est sans doute trop marquée pour séduire les réfractaires, qui auront tout le loisir de se focaliser, au choix, sur un gameplay porté-disparu dans l’hyperespace, sa narration aux tenants et aboutissants déjà vus et prévisibles, un framerate qui toussote ponctuellement, ou sa bande-son un tantinet orientée.

Conclusion

The Artful Escape est un titre qui ne s’adresse pas à tout le monde, de par ses penchants exacerbés pour tout ce qui a six cordes et un gros manche. Son histoire somme toute classique repose avant tout sur ses personnages et son univers hallucinés, et sonne comme un arpège d’amour envers le glam-rock des années 70, avec ses inspirations cosmiques et les références assorties. Jamais compliqué, la faute à un gameplay minimaliste et sans enjeux, le titre se parcourt toutefois avec un réel plaisir, tant il s’avère animé d’une passion flagrante et d’un surplus d’âme évident. Malgré tout, ses partis pris ne manqueront pas de laisser les joueurs à qui ce trip cosmique n’évoque pas grand-chose en coulisses, tant les petites branches auxquelles se raccrocher se font rares. The Artful Escape est avant tout un trip expérimental, une plongée enivrante dans la psyché d’artistes ayant à cœur d’aller au bout de leur vision, quitte à se faire huer par une partie de la salle. Une expérience inoubliable pour certains, un jeu indé prétentieux pour d’autres, reste donc à chacun de savoir de quel côté de la barrière il se situe.

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Trailer du jeu :