Temps de lecture : 13 minutes

Après sept superbes, mais trop courtes journées à Tôkyô, nous voilà déjà rendus à la moitié de notre séjour. Einstein (grand amoureux du Japon, par ailleurs) clamait que le temps est une notion relative, il faut croire qu’on a un peu tous le même ressenti quand on voyage au Japon. Pour l’heure, c’est aujourd’hui que nous quittons la capitale nippone pour découvrir d’autres préfectures. Un peu tristes, nous plions bagages et abandonnons la petite chambre d’hôtel à Asakusa où nous avons logé pendant une semaine. Après un petit passage rituel au konbini pour le petit déjeuner puis dans une échoppe d’éventails afin de d’acheter quelques cadeaux souvenirs, nous prenons la direction de la gare de Shinjuku (新宿区), valises à la main.

Pour notre premier voyage, nous avions pour objectif de visiter Tôkyô et Kyôto, mais dans un grand moment de lucidité nous nous étions dit que faire une petite escale pour mettre un peu de verdure entre deux grandes métropoles serait certainement une bonne idée. Notre choix s’est donc porté sur Hakone (箱根町), situé dans la préfecture de Kanagawa, réputée pour ses sources chaudes, son cadre bucolique reposant, son lac et sa vue imprenable sur Fujisan. Et quitte à se mettre au vert, autant y aller franco et se faire un petit plaisir sur l’hébergement afin de faire l’expérience d’un ryokan, avec onsen et repas japonais traditionnels, s’il vous plaît. Autant dire que la tristesse de quitter la capitale n’a pas duré bien longtemps.

Pour l’heure, nous effectuons la première étape de notre périple vers la verdure en  rejoignant la gare de Shinjuku, popularisée par le manga City Hunter, afin de récupérer nos Hakone Freepass pour emprunter les lignes de la compagnie Odakyu. Une fois de plus, notre Sydouce nationale est rigoureuse et organisée. Comme pour Kamakura, lors de la préparation de notre voyage, nous avions repéré une formule très avantageuse proposée par Odakyu et qui, en plus de notre trajet entre Shinjuku et Hakone, nous permettait d’utiliser pendant deux ou trois jours, en fonction de la formule choisie, huit types de transport sur place (Bus, train, funiculaire, bateau…). De notre côté, nous avons opté pour la formule deux jours à 5700 yens par personne (environ 46 euros). 

Une fois cette formalité menée à bien, nous décidons d’effectuer un petit arrêt ravitaillement avant de monter dans notre train. Heureusement, nous sommes au Japon, nous sommes cernés par la bonne boustifaille, et nous mettons finalement plus de temps à choisir où acheter à manger qu’à trouver une échoppe. Finalement, nous optons pour des petits bentos fort appétissants avant d’embarquer pour la première fois du séjour dans le Shinkansen. Il ne suffira que de quelques heures pour rallier Odawara, mais c’est à ce moment du voyage que Sydouce découvre avec stupeur que les trains japonais ont un effet radical sur Firelith. Motivé et plein de bonne volonté, il envisageait d’occuper son trajet avec un petit procès de Phoenix Wright 6. Finalement, il n’aura gardé les yeux ouverts qu’une petite demi-heure au total, s’endormant comme une larve dans des positions improbables au bout de quelques minutes et ne se réveillant que pour dire à une Sydouce consternée qu’il “croit qu’il s’est endormi”, tenter de rallumer sa console et repiquer du nez aussi sec. Des photos dossier ont bien évidemment été prises, mais on va vous épargner ça. Le calme et le confort des trains japonais, c’est quelque chose.

Une fois arrivé à Odawara, le changement de décor est total : fini les grands buildings tokyoïtes et place à un décor plus verdoyant et vallonné. Il nous faudra attendre environ une demi-heure avant d’avoir notre correspondance, mais ça n’est pas très grave puisque la vue sur le château (小田原城, Odawara-jō) est magnifique et que nous sommes de toute façon bien décidés à profiter du séjour. Comme pour nous plonger plus vite dans l’ambiance, nous devons prendre un train plus typique pour nous rendre à Hakone. Heureusement pour Sydouce qui en avait justement un peu marre de voyager accompagné d’un corps majoritairement inerte, l’ambiance de notre nouveau wagon est beaucoup moins calme et contraste assez violemment avec notre trajet jusque là. Il faut dire qu’avoir en face de soi une famille de touristes assez peu respectueuse des mœurs locales (enfants qui courent sur les banquettes et parents situés chacun à un bout du wagon qui “discutent” à plein poumons, sans pression) n’est pas franchement une configuration propice aux siestes intempestives. Mais tout n’est pourtant pas gris, puisque c’est également à ce moment que nous rencontrons une mamie japonaise visiblement irritée par les événements d’en face.

Lorsque nous sommes montés dans le train, cette dernière s’était assise avec une amie juste à côté de nous. Nous voir parler calmement à voix basse et admirer le paysage avec des étoiles dans les yeux a dû lui faire plaisir, en contraste de la banquette d’en face. Elle a donc entrepris de discuter avec nous, et interpelle Sydouce pour lui demander d’où nous venons. S’ensuit alors un échange assez épique mais vraiment sympathique avec les quelques mots de japonais que Firelith connaît. C’est un peu la panique pour ce dernier, qui arrive tant bien que mal à se faire comprendre mais qui se plante lamentablement sur quelques formulations et n’emploie pas forcément toujours le degré de politesse adapté. Malgré tout, il faut croire que cet échange a fait la journée de cette très sympathique mamie, qui décide alors de nous offrir des bonbons. Parlons-en, de ces fameuses sucreries… Pour faire plaisir à notre interlocutrice, nous décidons d’en manger un immédiatement, sans aucune méfiance, ce qui provoque un regret aussi instantané qu’intense. Les bonbons japonais, c’est un peu un mélange entre les dragées de Bertie Crochue et la roulette russe : on ne sait jamais à quoi s’attendre et ça peut très vite mal tourner. En clair, les sucreries en question avaient une sorte de goût “lait fermenté ultra sucré”, pour un résultat très particulier. Gros moment de self-control pour ne pas créer d’incident diplomatique. Malgré tout, ce fut un moment fort sympathique bien qu’un peu frustrant, car nous aurions aimé pouvoir échanger plus que quelques banalités avec cette gentille grand-mère.

Mais en attendant, le temps file, et nous voilà à quelques minutes de notre destination. À peine le pied posé sur le quai de la gare de Hakone, nous comprenons que nous allons passer un bon moment et que nous avons bien fait de mettre cette halte sur notre itinéraire. Nous sommes arrivés un peu en avance pour la récupération des clés de notre chambre au ryokan, mais décidons tout de même de nous y rendre, au moins pour avoir un premier aperçu des lieux et laisser nos bagages en garde le temps d’aller un peu nous promener. Une rapide balade de découverte et un petit tour au konbini prendre deux ou trois bricoles à grignoter plus tard (il fait vraiment toujours faim au Japon), l’heure du check in a sonné. Il est donc temps de retourner à l’auberge afin de découvrir notre chambre pour la nuit. Après une semaine passée dans les 11m² de notre chambre tokyoïte, le moins que l’on puisse dire c’est que la vaste suite de 35m² comptant trois pièces nous a immédiatement fait très plaisir. Les lieux sont aussi magnifiques que spacieux, et nous sentons immédiatement que le séjour sera inoubliable. Après un rapide échange avec la personne de l’accueil afin nous réserver une plage horaire pour avoir accès à un onsen privatif en amoureux le soir-même, le personnel extrêmement accueillant nous fait un rapide tour de l’établissement (entièrement en japonais). On nous fait visiter le splendide onsen commun du ryokan, puis on nous donne quelques informations, comme l’heure de service du repas et du petit déjeuner dans notre chambre. En attendant, nous retournons nous poser un peu dans notre palace d’une nuit et y prenons un thé avant de retourner explorer les environs.

Pour occuper les quelques heures qui nous séparent du fameux dîner, deux choix s’offrent à nous. Les panneaux d’indication devant l’auberge mentionnent la présence d’un temple et d’une cascade. Nous souhaitons bien évidemment voir les deux, mais nous commençons par nous diriger vers le temple, situé en amont. Localisée dans une zone vallonnée, Hakone est une agglomération pentue, la grimpette est donc plutôt intensive, ce qui nous permet de constater que la campagne japonaise est effectivement parsemée de nombreux bâtiments abandonnés (ou haikyo). Nous découvrons d’ailleurs rapidement que le temple où nous avons décidé de nous rendre est lui-même laissé en friche, ce qui ne retire heureusement rien à la beauté du site. Nous continuons notre balade et en profitons pour faire quelques photos, tout ici étant très photogénique, et nous imprégner de la quiétude locale. Nos pas nous mènent ensuite vers un autre temple, celui-ci en rénovation. Nous ne l’avons toutefois pas remarqué tout de suite, aucune pancarte ne le signalant, mais nous sommes rapidement tombés sur des ouvriers en plein travail, ce qui laisse peu de place au doute, et nous a poussés à écourter notre présence sur les lieux. 

Maintenant, direction la cascade afin de poursuivre notre promenade dans cette ambiance presque féérique. Jusqu’ici nous sommes agréablement surpris du peu de monde croisé, ce qui nous change radicalement de la cohue de la capitale à laquelle nous avons été confrontés durant une semaine. Arrivés au point d’eau, ce n’est pas une mais deux cascades qui nous attendent. Après quelques (dizaines de) photos, nous remarquons un sentier étroit qui longe un monticule de pierre à proximité, et décidons de nous y engager. Le chemin, très escarpé mais aménagé, nous mène au sommet de la colline où se trouve un autel minuscule. En dehors de ça, pas grand-chose à voir, nous prenons donc quelques minutes pour souffler avant de redescendre vers les cascades pour de nous mettre en quête d’un potentiel Goshuin-chô pour compléter notre carnet.

C’est malheureusement bredouilles que nous rentrons à notre Ryokan. L’heure tourne et le repas n’attend pas ! Une fois de retour dans notre chambre, la personne chargée de s’occuper de nous passe nous donner un petit cours sur l’art de porter son Yukata. Une fois convenablement vêtus, nous profitons du peu de temps qu’il nous reste avant le repas pour détendre un peu nos jambes endolories par la grimpette. Firelith part en direction des bains tandis que Sydouce exploite ces quelques minutes pour lire un peu et faire du tri dans ses photos. Petite précision, dans ce genre de petit établissement les bains/onsen fonctionnent par roulement horaire entre les hommes et les femmes et à cette heure, vous vous en doutez, c’est au tour des messieurs.

Maintenant que Monsieur est de retour de son bain (le petit veinard), place au spectacle puisqu’il est l’heure pour nous de manger et d’en prendre plein les yeux avec un repas japonais traditionnel. C’est à ce moment que nous avons compris à quel point la gastronomie nippone pouvait s’apparenter à de l’art, car c’est une véritable valse de tableaux avec de multiples plats différents qui nous sont présentés. Tout est pensé dans les moindres détails afin que le client passe un bon moment, de la disposition à l’ordre de dégustation, jusqu’aux petites estampes distribuées par notre hôte. Si au départ Sydouce prenait le temps de faire quelques photos, elle a rapidement oublié l’existence de son téléphone pour se focaliser pleinement sur le show visuel et gustatif. Le Japon est un pays rempli d’expériences dépaysantes à vivre, et celle-ci fait clairement partie des indispensables. En ce qui nous concerne, en tout cas, nous savons d’ores et déjà que nous allons réitérer l’expérience dès qu’il sera à nouveau possible de voyager.

Une fois repus, nous assistons à un toute autre zumba puisque la pièce où nous venons de dîner se transforme en chambre à coucher avec l’installation par le personnel de nos futons. Contrairement aux habitudes que nous avons prises à Tokyo, ce soir, point de sortie nocturne, la soirée sera placée sous le signe du repos et de la relaxation. Après un petit thé, durant lequel nous avons mis au point notre programme du lendemain, il est temps pour Sydouce de se rendre, à son tour, dans le onsen de l’auberge. Mais puisqu’un onsen ne suffit pas, il est désormais temps pour nous de nous rendre dans notre petit onsen privatisé, réservé le matin, afin de profiter de l’eau chaude en tête à tête pour la toute première fois. Quel plaisir de pouvoir enfin partager cette expérience ! Ce fut vraiment un moment relaxant et d’une infinie voluptuosité. C’est sur ce moment hautement agréable que se conclut notre journée, puisqu’après un rapide briefing du programme du lendemain, nous nous endormons aussi fatigués que satisfaits dans nos futons respectifs.  

Si pour Firelith la nuit a été parfaite, Sydouce ne peut pas en dire de même puisqu’une statue, placée stratégiquement dans la pièce, fait psychoter madame toute la nuit, au point qu’elle aura fini ensevelie sous un linge. Malheureusement pour Sydouce, à peine parvient-elle enfin à s’endormir qu’une sonnerie stridente de téléphone retentit violemment dans la chambre, annonçant avec pertes et fracas l’arrivée prochaine du petit-déjeuner. L’heure c’est l’heure, au Japon, inutile pour nous de lutter puisque notre hôte toujours aussi zélée a déjà envahi nos pénates et commence à replier nos futons et faire le service.

C’est donc les yeux encore collés que nous passons à table. Malgré tout, au vu de l’expérience culinaire de la veille, nous sommes impatients de découvrir le petit-déjeuner traditionnel. Composé là aussi de différents petits mets salés, le plaisir des yeux fut encore une fois au rendez-vous. Pour la partie gustative, par contre, si la grande majorité des victuailles servies étaient simplement délicieuses, force est de constater que nos palais d’occidentaux n’étaient pas préparés pour tout ce qui nous attendait. Le poisson cru vinaigré, le matin, après une nuit assez courte (surtout pour la partie féminine du binôme), c’est pas forcément évident. Et nous passerons gentiment sur les entrailles de poisson crues et marinées dans une sauce aussi gluante qu’étrange, nous contentant d’évoquer la position latérale de sécurité dans laquelle elles nous ont plongés tous les deux.

Une nuit, ça passe terriblement vite. Même si nous aurions aimé rester un peu plus longtemps dans ce moment un peu hors du temps, il est l’heure pour nous de quitter ce superbe ryokan (le Yaeikan) dans lequel nous avons passé un très bon moment. Nous prenons donc la direction de la gare, afin d’y laisser nos bagages dans un Coin Locker pour la journée afin de nous épargner une dernière balade encombrés de nos valises. Il nous faudra un peu plus de temps que prévu, car sur le chemin nous sommes tombés sur une boutique dans laquelle nous avons acheté quelques souvenirs pour nos mamans respectives ainsi qu’un bracelet de perles pour Sydouce (elle aussi a fini par succomber à la toute-puissance des perles).

Une fois délestés de quelques yens nous partons en direction du lac Ashinoko (芦ノ湖) où nous espérons pouvoir admirer Fujisan pendant une croisière en bateau pirate sur le lac. Lorsque nous avions préparé le voyage, un de nos amis nous avait prévenu qu’avec la météo à Hakone, c’était du quitte ou double. Si la veille nous avons un temps splendide… et bien ce ne fut pas le cas aujourd’hui puisque, comme on dit dans le jargon, il “pleut sa mère”. En plus, un épais brouillard digne de celui qui sévit sur la ville de Inaba dans Persona 4 met à mal notre projet de revenir avec de belles photos du torii pieds dans l’eau du sanctuaire Hakone-Jinja (箱根神社). Adieu, beaux clichés de la vue imprenable du Mont Fuji et bonjour flou artistique et épaisse grisaille. On ne va pas se mentir ce n’est pas le temps qu’on espérait mais malgré tout cela donne une atmosphère un peu mystique à notre croisière. En bref, nous sommes malgré tout contents, nous sommes juste légèrement plus humides que prévus.

À ce stade, plusieurs choix s’offrent à nous : s’avouer vaincu par la météo et reprendre le bateau dans le sens contraire ou pousser l’exploration plus loin. Nous décidons d’insister un peu et de prendre de la hauteur en nourrissant le naïf espoir que l’altitude permettrait peut-être d’avoir une vue un peu plus dégagée. Ce voyage aura été celui de tous les dangers pour Sydouce, puisqu’après sa peur de l’avion pendant le trajet et sa peur de la foule à Tôkyô, voici un troisième épisode, intitulé “le funiculaire de l’angoisse”. Pas d’alternative pour rallier la vallée volcanique d’Ôwakudani (大涌谷), littéralement « Grande vallée bouillante »). Malheureusement, la récompense n’aura pas été à la hauteur du sacrifice pour Madame, puisque moins de trente minutes après être parvenus au sommet, une alerte météo signe la fermeture du site et l’obligation de redescendre. Finalement, nous avons vu une ou deux fumerolles, senti une forte odeur de soufre et même pas eu le temps de goûter les fameux œufs noirs. Une chose est certaine, les japonais sont vraiment habitués à ce genre d’alerte car nous n’avons senti aucune panique et les retours se sont fait très calmement. Enfin, nous avons rejoint la gare de Gora afin de prendre la Hakone Tozan Line et retourner à la gare de Hakone et prendre la direction de notre prochaine destination, Kyoto.

Nous avons vraiment aimé Hakone et ce, malgré la météo pourrie du deuxième jour. C’est certain, nous reviendrons afin de pouvoir enfin voir tout ce que nous avons raté à cause du temps qui s’est montré peu clément. Le Hakone Free pass a vraiment été très pratique, en plus de représenter une économie plutôt sympathique, et nous vous recommandons de le prendre si vous envisagez un passage par ici. Une belle mise au vert qui nous a fait un bien fou après la semaine d’effervescence tokyoïte que nous avons vécue à notre arrivée. En attendant, il est l’heure pour nous de dire au revoir à la verdure, de monter à bord du train pour l’ancienne capitale nippone et de vous donner rendez-vous dans un futur proche pour un nouvel épisode de nos pérégrinations.

Envie de plus de lecture ? N’hésitez pas à retrouver les autres épisodes de notre escapade au Japon dans notre index des publications. Vous pouvez également nous suivre sur Facebook, Twitter (@Firelith et @Belladouce) ou Instagram (Sydouce et TeamFwiw) ou vous abonner directement à notre blog afin de ne rater aucune de nos parutions.