Article réalisé à partir d’une version physique fournie par l’éditeur.
Conditions de test :
Support : Xbox Series X
Jeu terminé en difficulté normale
Heures de jeu : 50h pour finir le jeu en papillonnant, 10 de plus pour décrocher les 1000G
Langues : japonais
Sous-titres : français
Bugs rencontrés : un unique crash et divers soucis de collision. Rien de bien gênant.
Vingt cinquième épisode de la série des Ateliers, dont les fondations remontent à 1997, Atelier Yumia : L’Alchimiste des Souvenirs et la Terre Rêvée débarque aujourd’hui sur toutes les plateformes. Toutes ? Oui, toutes, puisque si la série est sortie du giron de Sony et propose des versions Switch depuis quelques années maintenant, elle n’avait jamais pointé son chaudron du côté vert de la barrière. C’est désormais chose faite, avec un opus Xbox en bonne et due forme. Bonne nouvelle pour les nouveaux venus, Yumia embarque dans sa besace à compos un paquet de nouveaux ingrédients et une belle localisation en français. Son ambition : moderniser une formule dont la magie pouvait commencer à perdre ses paillettes auprès de alchimistes vétérans et partir à la conquête d’un nouveau public. Le studio Gust tient-il sa nouvelle pierre philosophale ?
Amitié, fleurs et oiseaux. Ou pas.
D’entrée de jeu, Atelier Yumia affiche ses intentions d’évolution et campe une histoire sensiblement plus sombre que ses prédécesseurs. Yumia Liessfeldt est une jeune alchimiste discrète, en proie à de nombreux questionnements sur le bien fondé de son art. Et pour cause, puisqu’elle vit dans un monde où l’alchimie est tenue responsable d’une grande catastrophe survenue il y a des siècles. L’empire d’Aladiss, son épicentre, fut rasé de la carte et ses terres, laissées contaminées par une haute densité en mana impropre à la vie humaine. Devant la peur de laisser un ravage d’une telle ampleur se reproduire, pratiquer l’alchimie fut interdit et ceux qui ne s’y plièrent pas, persécutés. La flamme alchimique s’est donc logiquement éteinte. Pourtant, ses braises ont subsisté à travers les âges grâce à la curiosité d’une poignée d’excentriques. La mère de Yumia fut l’une d’entre eux et c’est par elle que notre jeune alchimiste a appris à aimer, envers et contre tout, le pouvoir dont elle a aussi hérité. Hélas, trois ans auparavant, un Désastre de Mana rappelant la disparition d’Aladiss survient et emporte la mère de Yumia. Méprisée des uns, rejetée des autres, la faute à ses affinités avec un art tabou qui sont aussi son dernier lien avec sa mère, notre jeune alchimiste a bien du mal à trouver sa place dans ce monde qui ne veut pas d’elle. Quand un beau jour, elle apprend qu’une expédition pour Aladiss se prépare, la jeune fille y voit une opportunité. Pour redorer le blason de l’alchimie, Yumia est déterminée à changer les mentalités petit à petit grâce à sa pratique positive tout en faisant la lumière sur l’origine réelle du cataclysme.
La ballade des gens heureux
Petit récapitulatif pour les joueurs restés hermétiques à l’appel du chaudron. Atelier Yumia est, comme ses aînés, un JRPG proposant une aventure décontractée mettant l’accent sur l’exploration, la collecte d’ingrédients et la confection d’une pléthore d’objets en tout genre, allant de la potion de soin à la faux maudite personnalisée. Nouvelle convention esquivée pour la franchise, sa structure s’articule désormais autour d’un monde ouvert, classique mais authentique. Les zones reliées par des temps de chargement laissent donc place à un terrain d’une superficie honorable, divisé en quatre grandes régions aux biomes distincts. Si on n’échappe pas à la prolifération des points d’intérêts à visiter et aux “tours dévoilant la carte” à réactiver, Atelier Yumia leur apporte tout de même un twist plutôt malin. La brume de mana qui recouvre Aladiss n’est pas que cosmétique, c’est aussi la première entrave de la progression. Explorer le brouillard puise progressivement dans les réserves d’énergie du cœur alchimique de Yumia, de même qu’une synthèse rapide, une chute ou l’activation de certains mécanismes. En attendant de dissiper le mana toxique, tempérer ses ardeurs est donc vital, surtout face à une topographie très verticale et pauvre en sentiers balisés qui invite constamment le joueur à se perdre à grands coups de micro-énigmes, points de téléportation, trésors et quêtes. En résulte une aventure moins linéaire, d’autant que la trame principale propose le plus souvent de suivre plusieurs objectifs en parallèle. Bref, pour son premier essai de monde ouvert, Gust rend une copie qui coche, certes, les cases d’un cahier des charges éprouvé depuis des années, mais pourtant particulièrement convaincante quand il s’agit de renouer avec les plaisirs de l’exploration, la vraie.
Potion Permit
Pas d’Atelier sans alchimie, ça va sans dire, surtout pour une série qui a autant à cœur de changer d’approche à chaque nouvel opus depuis plus de 25 ans. À ce titre, Atelier Yumia ne déroge pas à la règle et propose un nouveau système original. Aucune armurerie ne vend d’équipements dans Aladiss, c’est donc à Yumia que revient la responsabilité de synthétiser les armes et armures de l’équipe à partir des ingrédients glanés sur le terrain. Pour créer un objet, Yumia doit tout d’abord en acquérir le souvenir. La plupart d’entre eux s’obtiennent en collectant des ressources, mais d’autres sont uniquement disponibles par le biais du loot ou des récompenses de quête. Yumia doit ensuite injecter des particules de mana pour cristalliser leur mémoire et les apprendre. Enfin, vient l’étape de la fabrication. Dans les grandes lignes, l’efficacité finale d’un objet dépend de deux statistiques principales, sa qualité et sa résonance. La qualité impacte directement sur les statistiques brutes d’un craft, tandis que la résonance est plutôt synonyme de compétences passives de rang plus élevé. Tout d’abord, le joueur doit ouvrir le ou les cœurs alchimiques qui composent chaque objet à l’aide d’un ingrédient spécifique. Un cœur ouvert révèle une constellation, constituée d’étoiles et de noyaux. En plaçant un ingrédient dans un noyau, on active les éléments situés dans une zone circulaire dont la taille dépend des propriétés du composant utilisé. Les étoiles améliorent la qualité tandis que les autres noyaux favorisent une haute résonance. Plus simple en pratique qu’en explication, la formule s’enrichit progressivement de sous-systèmes (compétences de synthèse, forge, cristaux de stats…). Un système aussi complet que solide, mais moins ludique que les puzzles d’un Atelier Sophie 2 sur la durée.
Let’s Dance Boys
Qui dit “RPG” dit aussi “combats”, un volet que Gust a entrepris de moderniser, depuis quelques épisodes. Poussant les nouvelles velléités du studio d’un cran, Atelier Yumia “Bayonettise” le pugilat et embrasse pleinement le temps réel. Les personnages peuvent se mouvoir en cercle autour de leur cible, esquiver et se positionner à distance ou au contact, variant les compétences à disposition. Une simple pression d’un des quatre boutons de façade déclenche la compétence attribuée, qui dispose d’un certain nombre de charges et d’un cooldown associé. Une règle également valable pour les objets offensifs tandis que les objets de soins se rechargent, eux, entre deux combats. La clé du succès d’un combattant efficace se résume donc surtout à sa capacité à gérer au mieux ses skills pour ne jamais se retrouver à court de trucs qui explosent à balancer à la tronche de ses ennemis. Heureusement, l’arsenal du groupe s’enrichit progressivement, élargissant le champ des possibles. Changements de personnages à la volée, contre-attaques, objets combinés et autres attaques ultimes (les Hausses de Mana) sont autant de bons moyens permettant au flux offensif de ne jamais se tarir. Une recette aussi simple que nerveuse, qui prend vite des allures d’immense foire au spam et à la pyrotechnie de masse, peu versée dans la stratégie mais aussi frénétique qu’un pic-vert shooté au Red Bull. Il y a un peu de Tales of dans cet Atelier. Seul espoir de voir jaillir l’ordre au milieu d’un tel chaos, des indicateurs visuels et sonores ponctuent la plupart des attaques ennemies afin d’aider le joueur à prévoir au mieux sa défense. Ça n’empêche pas de prendre de belles mandales parfaitement injustes (si si) mais ça aide déjà bien. Jamais autant qu’une belle armure fabriquée avec amour, ceci dit.
Armures enchantées et trous noirs portatifs
L’aspect gestion a toujours été une composante essentielle de la série Atelier, et Atelier Yumia ne déroge bien évidemment pas à cette règle. Qu’il s’agisse d’adoucir les conditions de vie de l’expédition ou de réparer un mécanisme antique bloquant la voie, Yumia prouve une fois encore que l’alchimie est un vrai couteau Suisse. La nouvelle Synthèse Simple en est d’ailleurs la parfaite illustration. Yumia est capable de se passer de stèle de synthèse pour concocter meubles, munitions et outils d’exploration basiques directement sur le terrain. Un énorme arrondissement des angles côté qualité de vie, qui dispense aux plus étourdis bon nombre d’aller retours à l’atelier. Côté renforcement personnel, Yumia dispose également de trois arbres de talents (synthèse, combat et collecte) dans lesquels elle peut investir les points de compétence engrangés au fil de l’exploration pour améliorer ses performances. Autre renfort crucial, le cœur alchimique de Yumia peut également être amélioré à l’aide de prismes d’énergie glanés dans certains points d’intérêt du monde ouvert. A la clé, de nombreux bénéfices et pas des moindres : amélioration de la jauge d’énergie, alimentation d’un moyen de locomotion, compétences utilitaires (le triple saut, indispensable), … de quoi rendre la brume pratiquement insignifiante. Enfin, dernière nouveauté côté gestion, un segment housing flambant neuf, qui permet de transformer les terrains vierges dédiés en véritables forteresses personnalisées. Et on ne parle pas que de création cosmétique, puisque certaines infrastructures simplifient beaucoup la vie (entrepôts, recharge d’énergie, …) quand elles n’ouvrent pas carrément de nouvelles possibilités côté craft.
C’est pas la panacée
Complet et riche, Atelier Yumia ne ternit donc aucunement sa lignée malgré des partis-pris assez radicaux à l’échelle de Gust. Mais une nouvelle recette apporte souvent son lot d’écueils et le petit dernier du studio japonais ne fait pas exception. À commencer par une alchimie en retrait, pour trois raisons. Premièrement, la faune d’Aladiss offre une résistance peu farouche, et quiconque explore un minimum obtient aisément quelques pièces d’équipement suffisantes pour tenir la route un bon moment. Il n’y a guère que lorsque les boss se mêlent à la fête qu’on ressent le besoin de réhausser son jeu. Un lecteur averti en vaut deux : la dernière ligne droite du jeu est d’ailleurs plutôt brutale. Deuxièmement, l’alchimie s’avère moins ludique qu’espéré sur la durée et sa pédagogie reste insuffisante, on la néglige donc un peu. Enfin, la majorité des besoins en craft reposent désormais sur la synthèse simple, qui vampirise donc l’alchimie traditionnelle. On note également un côté brouillon de certains systèmes qui, sans jamais réellement ternir l’expérience, apporte son lot d’interrogations. Pour certaines, comme le housing parfois imprécis ou les collisions étranges dans le monde ouvert, on accuse le budget et on bougonne trente secondes. Pour d’autres éléments plus centraux à la boucle de gameplay, on se demande ce que ça aurait donné si Gust avait pu peaufiner sa formule. C’est le cas des combats, certes réjouissants, mais souvent difficiles à suivre surtout quand les indicateurs s’affolent. C’est aussi vrai pour la gestion de l’énergie qu’un joueur qui ne traverse pas Aladiss en ligne droite casse bien trop facilement. Gust a sans doute voulu épargner la frustration à ses joueurs, mais l’idée est porteuse d’un beau potentiel qui aurait, à notre humble avis, mérité d’être creusé.
Irrésistible Alchimie
Maintenant que nous avons relevé les failles d’Atelier Yumia, il faut également équilibrer la balance et saluer ses qualités. Comme toujours chez Gust le titre accuse un retard technique évident côté réalisation. Une carence naturelle pour un AA, que le studio a pris l’habitude de maquiller avec une direction artistique pastel et chatoyante. Petite réussite : le monde ouvert se paye le luxe d’afficher quelques panoramas sympathiques et reste globalement fluide, sauf dans les lieux les plus chargés et quand le joueur se lâche sur le housing. Sa bande son, plus diffuse que d’habitude, reste dans la veine des productions du studio et empile les pistes de qualité, capables d’épicer les choses au bon moment. Gros effort à saluer du côté de l’écriture également, plus riche en enjeux tangibles que la moyenne pour la franchise. L’ensemble reste toujours binaire, mais un cap est franchi. Yumia est un personnage plus nuancé et la réflexion sur l’alchimie, bien que traitée avec une grande candeur, reste une thématique efficace et propice à une évolution plus marquée des personnages. Attention, on reste sur du feel good. Mais avec quelques pointes de noirceur. Difficile également d’ignorer une certaine sensation de redondance dans le monde ouvert, qui a tendance à manquer de diversité sur les activités proposées. Un défaut heureusement atténué par l’intérêt sans cesse renouvelé de l’exploration, avec une carte qui propose une belle verticalité et qui invite en permanence le joueur à se perdre et expérimenter. Aladiss parvient à maintenir un équilibre aussi délicat que redoutable entre liberté et tour operator. Les moins patients, eux, seront ravis d’apprendre qu’il est possible d’activer un GPS et carrément d’automatiser certains processus.
Conclusion
Quel bilan tirer de cet Atelier sauce 2025 au final ? Avec un remaniement en profondeur de sa formule, il se serait fallu d’un rien pour que la jeune alchimiste trébuche et se noie dans des ambitions trop grandes pour elle. Loin de là, Atelier Yumia : L’Alchimiste des Souvenirs et la Terre Rêvée s’avère sans doute être l’épisode le plus complet et accueillant de la franchise, en s’appuyant intelligemment sur les expérimentations de ses aînés pour proposer du neuf. Son monde ouvert est sans doute sa plus grande réussite, véritable appel à la perdition déraisonnée et toujours récompensée. Si certains systèmes restent encore au stade de brouillons, et que l’on peste un peu sur un manque de variété certain, ils s’avèrent globalement dotés d’un sacré potentiel qui ne demande qu’à être affiné à l’avenir. On regrette tout de même une alchimie en demi-teinte, mais difficile de bouder son plaisir devant une telle somme de tentatives intelligentes de se renouveler.
Pour aller plus loin :
Test de Atelier Yumia : L’Alchimiste des Souvenirs et la Terre Rêvée par Hyperion
Test de Atelier Yumia : L’Alchimiste des Souvenirs et la Terre Rêvée par Actua
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