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Article réalisé à partir d’une clé Playstation 5 fournie par PLAION.

Paru en 2006 au Japon et en 2008 dans l’hexagone sous le sobriquet Shin Megami Tensei : Persona 3, le troisième épisode de la désormais célèbre franchise d’Atlus a marqué le paysage vidéoludique. Sa structure oscillant comme un métronome entre le quotidien d’un lycéen le jour et la chasse au monstre la nuit, et son mystère teinté d’occultisme (marque de fabrique des MegaTen) ont permis au jeu de faire forte impression auprès d’une niche d’amateurs. Dix huit ans plus tard, les choses ont bien changé pour la série, aujourd’hui plus populaire que jamais, lui permettant de s’affranchir de la branche principale jusque dans son titre et de bénéficier de portages localisés en français sur tous les supports modernes. Mais dix huit années, c’est long, dans le monde du jeu vidéo, et même si ce troisième opus pouvait largement prétendre au statut de fleuron de la modernité du JRPG sur PS2, il reste aujourd’hui aride sur de nombreux points. Avec un Persona 5 comme point de comparaison directe, difficile de convaincre des joueurs habitués au confort aux côtés des voleurs fantômes. De quoi motiver Atlus à revoir sa copie en profondeur, pour remettre celui par qui tout est arrivé au goût du jour et donner à nouveau à ce titre de légende son aura d’antan. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que quand le studio nippon entreprend un ravalement de façade, il ne fait pas les choses à moitié.

Full Moon, Full Life

L’histoire de Persona 3 Reload débute en avril 2009. Le jeune protagoniste s’apprête à faire sa rentrée scolaire dans le lycée de Gekkoukan, sur la presqu’île de Tatsumi Port Island. Orphelin, il est affecté à un dortoir où il fait la rencontre de ses nouveaux camarades pour les mois à venir. Mais dès le premier soir, quelque chose cloche. A minuit tapante, le ciel se teinte d’une angoissante lueur verte et les humains se retrouvent métamorphosés en cercueil, privés de leur conscience. Ce phénomène qui survient implacablement toutes les nuits, c’est l’Heure Sombre, sorte d’heure cachée entre deux jours. Plus inquiétant encore, durant cette heure, les rares rescapés de cette étrange manifestation se voient pourchassés par les Ombres, de mystérieuses créatures belliqueuses. Ce sont également elles qui sont à l’origine d’un mal inconnu, le syndrôme apathique, que les médecins ont bien du mal à expliquer et qui prive ses victimes de toute volonté de vivre. Seul espoir d’une humanité incapable de riposter, notre protagoniste et ses camarades se révèlent dotés du “Potentiel”. Non seulement ils parviennent à rester conscients durant l’Heure Sombre, mais ils sont également capables d’invoquer de puissantes Personae, des entités aux pouvoirs leur permettant de rivaliser avec les monstres. Et puisqu’une surprise ne vient jamais seule, les Ombres semblent provenir du Tartare, une gigantesque tour difforme en perpétuelle mutation qui n’est autre que la forme alternative que prend le lycée une fois la vingt-cinquième heure sonnée. Pourquoi le lycée ? Comment sont apparues l’Heure Sombre, les Ombres et les Personae ? Comment enrayer le phénomène ? De nombreuses questions que le groupe devra élucider le temps d’une (trop) courte année d’étude.

Memories of you

Malgré son statut de troisième épisode, Persona 3 Reload est le remake de celui qu’on évoque souvent comme l’opus fondateur de la franchise, elle même dérivée de la saga Shin Megami Tensei. Déjà parce que les deux premiers n’ont été localisés que tardivement en occident mais aussi parce que c’est lui qui a véritablement posé le cadre de la formule qu’on connaît aujourd’hui. Découpage en journées scolaires, alternance vie sociale / dungeon crawler, fusions de Personae et personnalité très marquée aussi bien sur le plan visuel que musical, tout vient de là, Persona 1 et 2 restant des RPG plus traditionnels. Autant dire que le public de 2008 n’était pas prêt. Autre élément de différenciation, son système de combat en tour par tour, le fameux Press Turn hérité de Shin Megami Tensei 3, qui fait la part belle au jeu intelligent et à la préparation. Chaque monstre, chaque personnage est soumis au jeu des faiblesses et résistances élémentaires. Non seulement une attaque du bon élément sur la bonne cible est synonyme de dégâts accrus, mais également de chute pour la victime et de tour d’action supplémentaire pour son bourreau. Et quand un groupe d’ennemis se retrouve au sol, en avant l’attaque groupée gratuite aux effets ravageurs. Connaître les forces et les faiblesses du bestiaire et préparer son équipe en conséquence est donc la clé déterminante de la victoire. Enfin, dernier point qui finit d’asseoir l’impact de Persona 3 dans le paysage vidéoludique de son époque, souvent plus orienté Fantasy féérique et colorée, son contexte contemporain, souligné par un enrobage sonore très moderne et, surtout, son atmosphère morbide et ses thématiques adultes. Des ados qui se tirent une balle, même métaphorique, pour déclencher leurs capacités, ça fait toujours son petit effet.

Color your night

Avec sa dégaine de P3 passé à la moulinette P5, on peut croire que Persona 3 Reload est une simple mise à jour visuelle. Mais le titre propose bien plus, et importe des fonctionnalités des derniers épisodes, ainsi que quelques nouveautés. Côté Tartare, on retrouve le contrôle total des membres de l’équipe durant les combats. Une bénédiction pour qui a vu ses personnages s’obstiner à vider leurs PC sur des ennemis insensibles à leur élément. La tour fait peau neuve, avec des sections mieux caractérisées visuellement, et de nouvelles règles qui apparaissent au fil de la progression. Par exemple, les Portes Monades donnent accès à des zones aussi pourvues en butin qu’en monstres redoutables. L’ergonomie passe également à la mode “un bouton, une action” de P5. Le passage de relais entre personnages en cas de chute ennemie est aussi de la fête, venant encore fluidifier les escarmouches et ouvrir les possibilités stratégiques. Et si le jeu résiste trop, il est possible de moduler le challenge à volonté avec cinq niveaux de difficulté. Mais les ajouts les plus notables s’avèrent être deux fonctionnalités inédites. Tout d’abord, Fuuka, la navigatrice la plus passive du monde, a pris un méchant glow up. Disposant désormais de sa propre barre de PC, elle s’avère capable de merveilles aussi bien au combat (analyse des ennemis, distribution de buffs), que durant l’exploration. Flemme d’esquiver les ennemis ? Sort d’invisibilité. Et se téléporter hors du Tartare à volonté, quel plaisir. Dernier upgrade, les théurgies, sortes d’attaques ultimes propres à chaque personnage. Dévastatrices et ignorant les affinités, elles s’activent au prix d’une jauge qui se remplit selon les personnalités (action de soin pour Yukari, Critique pour Junpei, …). Salvateur dans de nombreuses situations.

Changing Seasons

Côté intrigue et vie sociale, Persona 3 Reload reste sur les rails de l’original, mais ne néglige pas pour autant son segment diurne, sur lequel il a effectué un bon ravalement de façade. S’il ne faut donc pas s’attendre à un effet FF7 Remake, de nombreux ajouts viennent moderniser la formule. Une multitude de séquences bénéficient d’une mise en scène retravaillée, les cinématiques animées, grandes absentes des éditions PSP signent un retour remarqué, et le titre bénéficie d’une réécriture globale plus équilibrée. La nouvelle ergonomie fait également des merveilles sur le plan social, au travers du smartphone du protagoniste qui notifie le joueur des activités et des promotions disponibles à tout instant. Et quoi de mieux que de pouvoir se rendre instantanément auprès des personnages et boutiques concernés en une simple pression de touche ? On note aussi l’apparition de la fonctionnalité en ligne issue de P4G, permettant de consulter la communauté lorsqu’il s’agit de décider des activités de la journée en cours. Et les moyens de s’occuper ne manquent pas dans P3R (du moins, jusqu’à un certain point), puisque le titre apporte également de nouvelles façons d’employer son temps. Désormais, le dortoir est lui-même prétexte à se rapprocher des membres du groupe, au travers d’une poignée de nouvelles activités : jardinage, cuisine, DVD, etc. Et dernière petite cerise sur le gâteau, il est désormais possible de “rembobiner” notre partie sur plusieurs jours, en cas d’événement raté, le jeu conservant une sauvegarde automatique de la progression sur les cinq derniers jours écoulés. En résumé, pour le social comme pour la baston, l’expérience proposée reste similaire, mais se voit dégraissée de nombreuses lourdeurs de l’époque. 

Mass Destruction

Elle est là, toute la démarche de Persona 3 Reload : s’appuyer sur ses qualités en les sublimant grâce à un dépoussiérage moderne. A ce titre, ce remake n’a rien perdu de sa force, avec son écriture toujours excellente (et bénéficiant d’une localisation française quasi-parfaite), morbide et à la tonalité plus sombre que celles de Persona 4 et 5. Les histoires secondaires qui se dévoilent au cours des Liens Sociaux s’avèrent, comme souvent, aussi humaines et touchantes que bien écrites. Autre entorse aux épisodes récents, le casting du jeu tient plus de la famille dysfonctionnelle que du groupe de potes à la vie à la mort. L’adversité ne revêt pas que l’apparence des Ombres, dans Persona 3, et si l’entente parvient bien à une certaine forme de consensus, elle passe par bon nombre de querelles fratricides. Pour ce qui est du contenu, le titre d’origine proposait un menu copieux, Persona 3 Reload met la barre un cran plus haut, avec de nouvelles Personae à collectionner, de nouvelles quêtes et une poignée d’autres festivités. Côté enrobage, le travail abattu est tout simplement dantesque. Sur le plan visuel et sonore, la refonte artistique est magnifique, avec ses nouveaux artworks plus stylés les uns que les autres, sa nouvelle interface bleu saphir qui pue la classe, et, surtout, sa réinterprétation musicale qui tabasse. Subjectivement, la meilleure et la plus riche des OST des trois opus modernes, c’est dit. On vous invite d’ailleurs à jeter l’oreille aux pistes qui servent d’intertitres à cette chronique. Que des bangers. Enfin, le grind obligatoire, point noir de l’original, est ici largement atténué, grâce à des portes qui apparaissent parfois dans Tartare et qui permettent à deux retardataires de se recaler sur le niveau du leader en un seul combat. On apprécie.

It’s going down now

Si ce remake arrondit beaucoup d’angles, Persona 3 Reload reste, par essence, une expérience qui ne s’adresse pas à tout le monde. Se frotter à un Persona, c’est plonger dans une aventure dense, longue et aux tunnels narratifs réguliers. Tout le monde n’a pas le même attrait pour les pavés de texte et la simulation de vie. Persona, c’est aussi une expérience où il faut savoir prendre son temps. Et c’est justement tout le paradoxe de la franchise, qui incite à optimiser son agenda pour obtenir les plus gros bonus, faisant parfois peser la pression du calendrier. Gérer son emploi du temps est un bonheur pour certains, d’autres se sentiront opprimés par la sensation permanente de devoir rater des choses pour en vivre d’autres. Le découpage en journée, s’il permet une immersion convaincante dans la vie d’un lycéen, implique une répétitivité palpable, qui se ressent d’autant plus en fin d’aventure, quand les moyens d’occuper ses soirées se font rares. Et si la refonte du Tartare trompe la monotonie un temps, difficile de nier l’aspect rébarbatif que prend l’ascension d’un unique donjon de plus de 260 étages. Dans un autre registre, on note aussi un challenge en berne, les améliorations de qualité de vie simplifiant beaucoup les choses. Enfin, on s’attriste de ne pas pouvoir voir ce remake comme LA version ultime de Persona 3, certains Social Links (clubs de Kendo et de natation) ayant simplement disparu, et, surtout, les ajouts des versions boostées de l’original ne faisant pas partie du périple. S’il n’est pas exclu de les voir débarquer sous forme de DLC, le protagoniste féminin de P3P et l’épilogue The Answer de P3FES laissent un trou béant dans une œuvre qui aurait pu être parfaite d’emblée. Commercialement compréhensible, mais pas cool quand même.

Conclusion

L’original était un jeu culte, Persona 3 Reload, est son pendant modernisé, ravivé, sublimé. Malgré sa structure fatalement redondante et l’ascension de son unique donjon qui peut lasser, son mystère et sa narration captivante incitent constamment à progresser pour obtenir le fin mot de l’histoire. Riche d’un casting imparfait, mais tellement humain et constellé d’une myriade d’histoires dans l’histoire, toutes plus tristes l’une que l’autre, Persona 3 est un opus qui sonne juste et qui a marqué toute une génération de joueurs, à juste titre. Reste qu’en matière de remise au goût du jour, Atlus maîtrise définitivement son sujet, avec une multitude d’ajouts et autres ajustements intelligents, rendant l’expérience accessible au plus grand nombre et plus confortable que jamais, et une refonte visuelle et sonore juste maboule. Et tout ça, sans presque rien sacrifier de sa pièce maîtresse, si ce n’est une partie de son challenge, bien plus lissé qu’en 2008. Et aussi les (gros) ajouts dont il a bénéficié avec ses ressorties ultérieures, dont l’absence a ce petit arrière-goût de rendez-vous manqué. Persona 3 Reload est un titre à part, de ceux dont on ne ressort pas véritablement indemne, même quand on en connaît déjà l’issue. Un grand jeu, assurément. Allez, maintenant, Atlus, soyez sympa, on veut The Answer, la FeMC, et que vous vous penchiez sur les cas de Persona 1 et du dyptique Persona 2. Oui, et un mars, aussi. Bisou.

Pour aller plus loin – Test de Persona 3 Reload par Actua

 

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Trailer du jeu :