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Article réalisé à partir d’une version commerciale Xbox Series X.

Petite recommandation auditive pour profiter au mieux de votre lecture : 

Près d’un quart de siècle après sa première aventure 3D, dire de Sonic qu’il n’a pas connu une longue traversée du désert serait mensonger. Il faut bien avouer que la Sonic Team s’est souvent perdue en expérimentations, avec plus ou moins de succès, depuis 1998. Pour autant, et contrairement à l’avis populaire, certains titres sont parvenus à tirer leur épingle du jeu, comme Sonic Generations ou encore Sonic Colors. Leur secret : proposer des expériences qui capitalisaient finalement beaucoup sur l’ADN du hérisson le plus rapide de l’Est plutôt que de tenter de l’insérer au forceps dans les formules à la mode. Aujourd’hui, Sega rempile avec Sonic Frontiers, opus qui entend rendre ses lettres de noblesse à la franchise, en monde ouvert, s’il vous plaît. De quoi largement donner du grain à moudre à un public qui n’a que trop pris l’habitude de railler la franchise, embourbée dans son cycle de déception. Cette nouvelle formule ne trahit-elle pas les promesses de vitesse liées à la franchise ? Et surtout : a-t-elle les mollets assez solides pour incarner l’espoir d’un renouveau durable pour la mascotte de Sega ?   

His World

Pour sa mise en place, Sonic Frontiers ne s’encombre pas d’une introduction outrancièrement développée et propulse le joueur dans le feu de l’action en à peine quelques minutes. Pour faire court, disons juste que Robotnik découvre de mystérieuses ruines antiques, se montre un peu trop curieux pour son propre bien, active un dispositif de défense et se retrouve aspiré dans une dimension parallèle. De son côté, Sonic, toujours à la recherche des Chaos Emeralds, se rend sur Starfall Island afin d’investiguer. Malheureusement, lui et ses compagnons se retrouvent aspirés dans un mystérieux trou noir et Sonic se retrouve seul sur une étrange île peuplée de robots agressifs. À la recherche de ses amis portés-disparus, le hérisson bleu fait alors la rencontre de Sage, une intelligence artificielle belliqueuse qui lui intime l’ordre de déguerpir ou d’en assumer les conséquences. Pas impressionné pour un ring, Sonic poursuit sa route, mais comprend rapidement que les menaces de l’IA peuvent se révéler pour le moins titanesques.

What I’m Made Of

Contrairement à ses débuts en trois dimensions en 1998, le monde ouvert de Sonic Frontiers n’est pas ici qu’un simple hub, prétexte à la digression entre deux stages plus classiques et linéaires. C’est même lui qui tient la dragée haute, puisque le joueur y passe la plus grosse partie de son temps. Mais plutôt qu’un univers d’un seul bloc, ce sont en fait cinq grandes îles que Sonic doit arpenter et cartographier. Chacune (sauf une) est recouverte de mini-ateliers s’apparentant à de courtes sections de stages de Sonic, plus ou moins imbriqués. L’objectif final : collecter une multitude de ressources afin de faire progresser la trame scénaristique et débloquer l’accès à des stèles, renfermant des épreuves du cyberespace. Ces courts challenges, inspirés d’anciens niveaux des précédents titres de la franchise, proposent quatre défis récompensant le joueur par des clés, seuls sésames déverrouillant l’accès aux sept Chaos Emeralds de l’île. Et une fois les joyaux en poche, c’est l’heure du combat de boss puis de partir explorer l’atoll suivant. Une formule éprouvée, véritable course effrénée du collectible, mais il faut bien reconnaître que Frontiers parvient à se renouveler en se reposant sur ses trois principales forces : son level design, sa vitesse débridée et son gameplay.

I’m Here

On oublie souvent que les premiers titres de la franchise étaient avant tout des jeux de plateforme, et non des apologies de la vitesse, contrairement aux opus 3D qui jouaient plutôt la carte de l’aventure et du roller coaster à 200 km/h. Avec Sonic Frontiers, la Sonic Team a opté pour une expérience Speed Life à fond les ballons. C’est bien simple, Sonic n’a jamais été aussi agréable à manipuler. Non seulement le hérisson réagit au doigt et à l’œil, mais il honore aussi pleinement la vitesse qui a fait sa légende. Les ateliers s’enchaînent à une vitesse ahurissante, procurant des sensations tout simplement grisantes manette en mains. Quelques écueils restent à déplorer du côté de la caméra et les collisions restent ponctuellement douteuses (notamment durant les phases d’escalade), mais quiconque a déjà tâté du Sonic 3D ne peut que reconnaître que Frontiers se pose d’office comme l’un des opus les plus scrupuleusement testés et fignolés. Traverser les grandes étendues sauvages à toute vitesse est un plaisir de tous les instants et même les nombreux aller-retours ne frustrent jamais, tant rien ne vient perturber Sonic sur sa lancée. Et même si une certaine redondance peut finir par s’installer au fil des heures (la malédiction habituelle pour quiconque se frotte aux 100%), les épreuves proposées s’avèrent suffisamment courtes et variées pour rester engageantes. Rails, accélérateurs, loopings, bumpers, … sont autant de prétexte à des petites mises en scène nerveuses et stylées, tandis que de nombreux puzzles exigent du joueur quelques instants de réflexion, avec à la clé de nouvelles portions de carte révélées. Un cocktail plutôt bien équilibré et qui rythme de façon intelligente et diversifiée l’exploration des îles.

Undefeatable

Bien évidemment, rien n’étant jamais simple dans un jeu vidéo, Sonic Frontier n’oublie pas de peupler son terrain de jeu d’ennemis (souvent imposants) pour mettre des herses à clous sous les baskets de son héros. Et pas question de bourriner constamment, puisque la majorité des opposants s’avèrent dotés de patterns et de méthodes d’éradications alternatives beaucoup plus efficaces. Heureusement, non seulement Sonic peut compter sur ses anciennes aptitudes signatures (boost, homing dash, pour ne citer qu’elles), mais il peut également enrichir son arsenal à l’aide de points d’expérience glanés au fil de son aventure. Le hérisson dispose même de moyens d’améliorer quatre de ses caractéristiques (vitesse, stock de rings, attaque et défense) en récoltant certaines ressources dans le monde ouvert et en dénichant des kokos, sortes de korogus qui ne disent pas leur nom et plutôt nuls en cache-cache. Une surcouche typée RPG pas forcément bien dégrossie, mais qui a le mérite de mettre rapidement à disposition du joueur de nouveaux outils pour parer à toutes les situations. On parle bien évidemment de nouvelles compétences de combat, souvent ravageuses pour les barres de vie, mais également de capacités plus utilitaires, comme l’indispensable Course-Boucle. Un ennemi récalcitrant qui campe derrière sa garde ? Un mécanisme à activer ? Un besoin urgent de rings ou une envie de quelques ressources supplémentaires en creusant le sol ? Une petite boucle et en avant Guingamp.

Reach For The Stars

Relativement solide sur ses nouvelles fondations ludiques, Sonic Frontiers doit encore prouver qu’il a changé et qu’il esquive les nombreux écueils de son passé, comme la prolifération de Shitty Friends et la niaiserie qui va avec. Là encore, Sega esquive la balle avec élégance et campe une intrigue à la tonalité surprenante. Sans trop en dévoiler, le titre se paie le luxe d’apporter un éclairage inédit à certains éléments bien établis dans la franchise et aborde des thématiques plus sombres et sérieuses qu’à l’accoutumée. Le casting lui-même, restreint à quelques têtes bien connues, témoigne d’une évolution frappante et marquée par des éléments de lore issus de trois décennies de jeux. L’ensemble reste cousu de fil blanc, mais voir des figures emblématiques enfin dotées de recul sur leurs aventures ne manquera pas de ravir le cœur des fans, pour le meilleur comme pour le pire. La morosité ambiante se retrouve également accentuée par la direction artistique du titre, avec ses îles aussi dépeuplées que désolées et ce qui restera inscrit dans les annales comme l’une des meilleures bandes-son tous Sonic confondus. Très hétérogène, elle habille le monde ouvert de compositions sonores teintées de mélancolie et faisant la part-belle aux pianos endiablés et aux violons larmoyants. Mais Frontiers sait également s’abandonner aux sirènes de l’epicness musical durant les niveaux du cyberespace ou les combats de boss, aussi tristement simplistes à appréhender que jubilatoirement mis en scène. Enfin, en digne représentant de la Speed Life, les nouvelles aventures du hérisson ont le bon goût de ne pas s’étirer indéfiniment tout en proposant un contenu conséquent. Comptez une vingtaine d’heures pour parvenir au terme de l’histoire et environ le double pour les 100%. Les allergiques à la chasse aux collectibles seront d’ailleurs ravis d’apprendre le retour aux affaires de Big The Cat, avec un mini-jeu de pêche particulièrement chill, excellent moyen alternatif de récolter facilement des quantités massives de ressources.

Live and Learn

Si Sonic Frontiers semble être taillé être un super Sonic (vous l’avez ?), il est toutefois loin d’être exempt de défauts. Le principal étant bien évidemment sa technique, pas forcément toujours flamboyante. Si un framerate princier est assuré en mode performances sur les supports récents (les apports du mode qualité nous ayant semblé discutables), il faut bien admettre que le titre n’est visuellement pas à la hauteur des standards de l’époque, même si on parle du plus aboutis des Sonic. Les environnements traversés s’avèrent dépouillés et manquent cruellement d’éléments distinctifs. Rien ne ressemble plus à une plaine rocailleuse qu’une autre. Même les niveaux du cyberespace, pourtant propices aux folies visuelles, finissent par se ressembler, ce qui est d’autant plus rageant qu’ils durent rarement plus d’une minute. Et quitte à aborder leur sujet, leur challenge est équilibré à la truelle, la plupart des rangs S étant largement atteignables tandis que d’autres se jouent à quelques dixièmes de seconde. Autre point problématique, le clipping est omniprésent laissant parfois apparaître des pans entiers d’ateliers à la dernière seconde. Si ce n’est jamais vraiment gênant quand on est lancé à fond de balle, le problème devient plus palpable lorsqu’on cherche à localiser avec précision une ressource sur la carte. Comme de coutume, et même si on reconnaît qu’elle est majoritairement bien pensée, la caméra part parfois violemment en vrille, notamment durant les phases d’escalade ou pendant les boss. Sonic Frontiers écope également de quelques erreurs de jeunesse, comme l’impossibilité d’aborder un atelier autrement que par son point de départ sous peine de rater l’exécution du script positionnant la caméra de façon optimale, ou sa maladresse chronique lorsqu’il s’agit d’expliquer au joueur comment se servir de ses compétences. Enfin, dernier point crucial, il n’est que trop conseillé de passer les voix du jeu en anglais tant la version française ne convainc pas, la faute à un décalage flagrant avec l’atmosphère du jeu.

Conclusion

On l’espérait tout en s’interdisant d’y croire, mais en ce qui concerne Sonic Frontiers, nous avons affaire à un bon jeu. Pas encore un grand jeu, la formule restant perfectible sur certains aspects, mais en tout cas largement de quoi le propulser au rang de futurs classiques de la franchise. Loin de trahir son ADN, la nouvelle structure ouverte épouse au contraire tous ses codes et parvient à les adapter avec brio. Jamais Sonic n’aura été aussi agréable à incarner et enchaîner les ateliers à deux-cent à l’heure est un véritable plaisir. On ne l’attendait pas non plus sur sa narration, et pourtant, les nouvelles ambitions de Sega fonctionnent. Resserrer le cadre sur un casting restreint et oser leur donner plus de corps qu’à l’accoutumée est un pari dangereux, relevé ici haut la main.  Bien sûr, tout n’est pas parfait, notamment en ce qui concerne la répétitivité des objectifs lorsqu’on vise le 100% et les problèmes techniques (caméra, clipping, …). Certaines idées semblent n’avoir pas complètement germé, comme les combats de boss aussi spectaculaires qu’ils manquent de piquant ludique et les niveaux du cyberespace pas aussi excitants qu’on aurait pu l’espérer. Dans le doute, on accusera le manque de budget, parce que les aspirations et les compétences, elles, sont bien là. En tout cas, avec un premier jet aussi prometteur et la marge de progression que Frontiers laisse entrevoir, l’avenir de la franchise semble désormais bien plus radieux.

Pour aller plus loin : Test de Sonic Frontiers par Actua

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Trailer du jeu :