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Article réalisé à partir d’une clé Xbox Series X fournie par PLAION.

Celà fait déjà trois ans que nous n’avons plus eu de nouvelles de Kiryu Kazuma, yakuza légendaire remisé au placard par ses créateurs. Il faut dire qu’après sept jeux, une poignée de spin-offs et une apparition remarquée dans le tout dernier épisode numéroté, tout a été dit ou presque au sujet du Dragon de Dojima. À plus forte raison maintenant que la relève est établie, avec un Yakuza : Like a Dragon qui a fait table rase sur nombre de fondamentaux de la franchise pour proposer une expérience bien à lui. Pourtant, difficile d’évincer Kiryu, dont la popularité reste intacte encore aujourd’hui. C’est pourquoi l’annonce d’un Like a Dragon Gaiden, centré sur les péripéties de notre loubard au grand cœur préféré depuis Yakuza 6, ne pouvait que réjouir les fans. Initialement prévu comme un DLC pour le futur Infinite Wealth prévu chez nous pour janvier prochain, cet entre-deux épisodes a finalement eu droit à six mois de développement supplémentaires pour opérer sa mue en stand-alone. Un délai très chiche, quand on connaît le contenu habituel des jeux de la franchise. En tout cas, largement de quoi s’inquiéter du résultat final ou, à minima, s’attendre à un épisode plus modeste qu’à l’accoutumée. Le Dragon de Dojima, désormais quinqua, est-il réellement devenu trop vieux pour ces conneries ?

Pas si effacé que ça, le blaze

Like a Dragon Gaiden se déroule quelques années après Yakuza 6, plus précisément en 2019. La proximité chronologique avec Yakuza : Like a Dragon est donc immédiatement établie, d’autant plus que l’aventure s’ouvre sur une petite portion de Yokohama. On y retrouve Kiryu Kazuma qui, après son deal avec la faction Daidoji, mène sa nouvelle vie dans l’ombre pour protéger ses proches. Rebaptisé Joryu, l’ex-quatrième boss du clan Tojo officie désormais comme laquais des Daidoji et se trouve contraint de s’acquitter de tâches souvent ingrates, en plus de devoir boutonner sa chemise jusqu’au col. Le prix à payer pour quiconque cherche à se faire passer pour mort. Un jour, pourtant, tout dérape, quand Hanawa, le responsable de Joryu, l’envoie sur le terrain, pour ce qui est censé n’être qu’une simple mission de surveillance de transfert de fonds. Rien ne se passe comme prévu et les agents en place se font rapidement décimer par une horde de gangsters qui s’en prennent à Hanawa. S’interposant comme de coutume, Joryu a la fâcheuse surprise de découvrir que leurs agresseurs masqués le reconnaissent et que c’est justement pour nouer contact avec lui qu’ils ont monté ce traquenard. Son passé légendaire le rattrape alors, et, une fois encore, Kiryu se retrouve malgré lui pris dans des machinations et des jeux d’influences qui mettent en péril la sécurité de sa famille de cœur.


Like an ex-Dragon

Pour les nouveaux arrivants, qu’ils soient entrés dans l’univers de la franchise par la septième porte ou qu’ils souhaitent s’y attaquer en commençant par Like a Dragon Gaiden, commençons par effectuer un rappel des bases. Avant d’être le RPG loufoque en tour par tour qu’on connaît, avec ses vieux en couche, ses catcheurs mexicains et ses cabarets, Like a Dragon (auparavant intitulé Yakuza) comptait sept jeux principaux plus orientés action. Proposant des combats aussi nerveux que jubilatoires, la série a toujours fait de l’exubérance et de l’epicness ses accroches principales. Deux attributs omniprésents dans l’ADN de la franchise, que ce soit au travers ses nombreuses quêtes annexes souvent débiles, sa multitude d’activités secondaires décalées, son humour grivois ou encore ses attaques spéciales d’une violence absurde. Mais la saga sait aussi se montrer plus premier degré et sombre, et n’hésite jamais à aborder frontalement des thématiques graves, surfant sur l’actualité japonaise au moment de la sortie de chaque épisode. Après tout, quoi de mieux que d’incarner un yakuza pour lever les projecteurs sur les dérives sociales de l’archipel ? Puis est venu Yakuza 7. Nouveau protagoniste, refonte du système de combats en tour par tour sans rien enlever des qualités narratives et de la tonalité claire-obscure de la franchise. L’ère de Kiryu Kazuma semblait révolue. Mais c’était sans compter l’appel du fanservice qui n’a finalement pas laissé l’ancien taulier se retourner longtemps dans sa tombe. Le problème, quand on est une légende, c’est que la moindre apparition, si courte soit-elle, est forcément remarquée et implique des vides scénaristiques que les fans ne laissent jamais passer.

Osaka by night

Ex-contenu additionnel pour Infinite Wealth, Like a Dragon Gaiden a donc la (lourde) tâche de servir de pivot, en mettant en scène la nouvelle vie d’homme mort de Kiryu depuis Yakuza 6 et les événements qui ont mené à son intervention fracassante dans Yakuza 7, tout en déroulant le tapis rouge au le prochain Yakuza 8. Rien que ça. Petit DLC est donc devenu standalone par la force des choses, mais est-ce pour autant qu’il est capable de tutoyer ses augustes prédécesseurs ? De prime abord, on est tenté de répondre par l’affirmative, puisque Gaiden propose effectivement une structure similaire aux titres de la franchise. Ainsi, on retrouve une aventure très premier degré, découpée en chapitres et oxygénée par les nombreuses promenades dans le quartier de Sotenbori à Osaka, laissant toute latitude au joueur pour s’adonner à une pléthore d’activités. Salle d’arcade, karaoke, golf, mah-jong, cabarets (en prises de vue réelles et pas très bien jouées. Coucou, vallée de l’étrange.), … sont autant de loisirs hétéroclites qui ne manquent jamais d’accaparer l’attention des amateurs entre deux bastons. Et puisqu’on parle de pugilat, Kiryu a bien évidemment de nombreuses occasions de faire parler ses phalanges. Comme toujours, des hordes de loubards agressifs rôdent dans les rues, mais c’est surtout au travers du Château et du Réseau Akame que les occasions de multiplier les pains se présentent. Véritable colisée flottant, le Château est un lieu de perdition à la solde des cartels du secteur et regorge de tables de blackjack et de combats en arène clandestins. De son côté, le réseau Akame, dirigé par l’informatrice éponyme qui héberge et aide Kiryu, est une sorte de tableau de quêtes annexes plus ou moins scénarisées, mais toujours orientées fedEx.

Grand Yakuza, …

On pensait avoir quitté Kiryu au sommet de son art dans Yakuza 6. Pourtant, Like a Dragon Gaiden prouve que le bougre en a encore sous la pédale et sait se réinventer. Exit les styles Beast et Rush, l’ex-Dragon assume son statut de Man in Black en arborant désormais deux styles de combat distincts. D’un côté, le mode Agent brille surtout en duel grâce à ses frappes rapides et ses gadgets de soutien. De l’autre, le style Yakuza, pot-pourri des anciennes techniques de Kiryu, est plus orienté mêlée sale, avec des contres salvateurs et des attaques chargées destructrices. Deux approches complémentaires qui confèrent une puissance de départ conséquente à notre ancien yakuza. Et les choses ne vont pas dans le sens de ses adversaires, tant le farming d’argent au colisée et de points Akame lui permet d’acquérir de nombreuses nouvelles techniques et augmentations statistiques pour maroufler les truffes encore plus efficacement. Être le meilleur larbin du monde, ça paye. Toujours dans le registre de course à la puissance, Kiryu peut également s’équiper de nombreux objets modifiant ses statistiques et obtenir quelques compétences passives, à l’ancienne. Quand on voit le degré de violence des objets les plus onéreux, ainsi que le challenge proposé par les dernières confrontations du colisée (le troisième Roi, ce cauchemar), se payer un équipement aux petits oignons n’est clairement pas un luxe, quitte à ringardiser l’aventure principale. Même une légende a parfois besoin d’un slip en or lorsque la mêlée vire à la foire d’empoigne à quarante participants.

… petites aventures

En définitive, Like a Dragon Gaiden est ce qu’on pourrait appeler un mini-Yakuza, épousant les codes de l’ancienne formule en les condensant. En résulte une aventure plus ramassée que d’habitude, avec une durée de vie d’une dizaine d’heures pour les joueurs qui n’aiment pas flâner, contre facilement le triple pour ceux qui veulent tout rincer. Si ce n’est pas un défaut en soi, et qu’il ne faut pas oublier que Gaiden est avant tout un modeste spin-off, il faut également admettre que le titre porte les stigmates de son temps de développement restreint à plusieurs niveaux. Tout d’abord, sa localisation française est criblée d’erreurs, de la confusion de genres aux traductions littérales, en passant par les alternances hasardeuses tutoiement / vouvoiement. Quand un jeu repose autant sur sa narration, ça fait tâche. Il faut également noter que si l’aventure démarre sur les chapeaux de roue et se conclut de fort belle manière, la partie centrale repose surtout sur un gloubiboulga de retournements de situation improbables, d’enjeux impliquant des personnages trop fraîchement introduits pour proposer un minimum de profondeur et la docilité d’un Kiryu qui semble ici bien conciliant. Par contre, le joueur est constamment sollicité pour s’acquitter de nombreux, NOMBREUX allers-retours au Château et de quêtes annexes interchangeables. Du remplissage pur-jus, en somme, alors même que Gaiden est une expérience courte. On peut encore citer les gadgets du style Agent qui manquent cruellement d’efficacité ou un aspect organique en berne (bye bye, narration sur fond de critique sociale et PNJ qui alpaguent notre héros au coin d’une rue pour lui confier une mission). Un manque de lustre global, au point de ternir en partie des retrouvailles qui avaient un potentiel immense.

Conclusion :

Si Like a Dragon Gaiden : The Man Who Erased His Name est au final un opus agréable à parcourir, son statut d’ancien DLC s’avère particulièrement marqué. Si on doit comparer cet épisode de transition avec un papillon, difficile de ne pas le voir comme une chrysalide qui n’a pas fini d’opérer sa mue. La faute, très certainement à un délai de développement restreint, qui a visiblement contraint le Ryu Ga Gotoku Studio à bourrer le titre de contenu mal fignolé, moins organique que de coutume. Il faut avoir les reins solides pour inclure l’information dans sa campagne marketing, et ce n’est pas le cas ici, surtout quand on connaît la popularité de Kazuma Kiryu qui aurait mérité un retour plus soigné. Si l’on est capable d’accepter quelques faiblesses côté mise en scène et structure du jeu, difficile de pardonner une localisation française bancale, brisant régulièrement l’immersion et apportant son lot de confusion à une narration déjà pas toujours habile. Pire encore, le traitement réservé à la Légende de Kamurocho, dont la personnalité paraît caricaturale et superficielle. La question se pose alors pour les nouveaux venus : est-ce une bonne idée d’aborder la franchise par Like a Dragon Gaiden ? À notre sens, pas vraiment, Yakuza Zero constituant une bien meilleure entrée en la matière pour qui l’anglais ne représente pas un obstacle. Pour les autres, Yakuza : Like a Dragon, entamant un nouveau cycle semble également plus indiqué, voire même le diptyque Judgment pour les joueurs préférant l’action au tour par tour. Malgré tout, le plaisir des retrouvailles avec Kiryu est bien présent, et rien que pour ça, les fans auraient tort de faire l’impasse.

Pour aller plus loin – Test de Like a Dragon Gaiden : The Man Who Erased His Name par Actua

 

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Trailer du jeu :